dans l’autobus bondé il se faufile parmi les corps sombres drapés de blanc, femmes surtout qui ont essayé de vendre au marché leur récolte de peu, son corps les frôle, se frotte contre elles, il ne sait pas quoi faire des vibrations nouvelles, vaguement connues quand même, dans son corps d’adolescent sauf accentuer cette pression, cette friction qui fait du bien. Il n’est pas grand ses yeux arrivent au niveau des épaules des seins peut-être son sexe heurte des cuisses. Il se laisse aller au balancement comme une caresse, pas comme les coups de poing dans les couilles parfois insistants échangés à l’école, les masturbations sous le bureau à peine dissimulées. Et les discussions surprises par l’oreille qui traine, ceux que leur père emmène au bordel une fois déjà et à nouveau ce soir, les livres à la librairie sous les arcades, monsieur, ici ce n’est pas un salon de lecture, celui que ses copains vont enfermer une après-midi entière avec cette fille rencontrée sur la côte, ce métis si attirant. De son corps, ce qu’il découvre aussi c’est sa peau, le sentiment diffus que sa peau blanche lui donne un statut différent, elle le dispensera de l’effort de séduction, de l’injonction de draguer, de baiser, le sentiment que ça suffit d’être ce qu’il est, ce qu’on lui a dit qu’il est, ce qu’on dit à tous les petits garçons tu es beau mon amour, il a pris ça à la lettre il l’a cru, autosatisfaction, pas besoin de l’autre pour du plaisir, pas besoin de donner du plaisir, la couleur de ta pelure te dispense de t’occuper de l’intérieur, il se soumettra, tu les soumettras. Il a cette tache foncée sur la joue, jusqu’à il y a peu il ne s’en souciait mais là, il voudrait la faire disparaitre. A l’hôpital on lui a expliqué que ce serait dangereux, qu’une opération pourrait mal se passer, qu’il vaut mieux la laisser tranquille, il trouvera bien un moyen de l’utiliser dans son système d’inertie séductrice, une petite tache pas blanche ça peut faire plus naturel.
Il sort de l’autobus, redevient un garçon de douze ans à qui on demande comment s’est passée la journée, il ne dit ni masturbation ni caresse, il raconte une histoire lisse et triste, celle de FW, elle se photographiait, ses parents la prenaient pour folle, ne voulaient pas en entendre parler, avaient voulu la faire interner et quand elle est morte, qu’elle s’est suicidée, ils ont commencé à écrire des articles élogieux sur elle, vendre ses photographies très cher, elle était morte la chère fifille, on pouvait faire de l’argent sans qu’elle soit là à nous faire honte ou nous emmerder. C’est ce qu’on lui avait raconté, le corps la mort l’argent ne sont jamais très éloignés.
C’est un très beau texte, bravo, j’ai envie d’en lire plus.
Merci Laurent. C’est vrai que ça pourrait être plus vaste, ça avance au gré des consignes, tentant une cohérence, comme une suite d’histoires à développer.