mon corps compte sans arrêt 514 515 516 517 518 519 520 521 seconde après seconde 527 528 529 530 531 il compte le temps qui coule 610 611 612 613 il est le Temps qui bat 1001 1002 1003 1004 1005 allongée dans la pénombre je sens mon cœur égrener les secondes et je réalise l’exactitude de cette sensation puisque mon rythme cardiaque au repos est de 60 bpm je me demande si les instigateurs du Temps Universel avaient eux-aussi ce rythme cardiaque quand je me lève quand je m’agite le temps ne passe pas plus vite c’est moi qui essaie de prendre de l’avance sur lui avec 80 battements par minute je crois le devancer de 20 secondes de 1200 secondes par heure soit 20 minutes c’est vertigineux mais que faire de ces minutes volées au Temps ? sans doute rien ou alors m’accorder ce temps pour penser au grand Rien
allongée dans la pénombre, j’écoute battre les chiffres du Temps
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025
soudain je vois que les chiffres comme les lettres ont des couleurs ces chiffres qui comptent le 21 est noir, un noir de scorpion et de Dame de Pique le 10 brille comme la rosée d’avril le 14 s’élance jusqu’au jaune d’or sur le 27 frémissent les ombres blanches, des ailes il y a beaucoup d’amour dans mes chiffres je dirai même que les chiffres condensent l’amour mieux qu’aucun mot ne saurait le faire d’ailleurs un seul mot ne suffirait pas à étreindre M., N. ou A. pas même le mot Amour il faudrait plusieurs mots des phrases peut-être un poème mais au risque de trop dire car je connais les mots aucun ne voudrait céder sa place certains absents voudraient s’immiscer dans le flux il y en aurait trop c’est presque sûr Le chiffre lui est parfait dans la perfection du 10, je vois le visage de N. dans la beauté du 14 s’entend le rire d’A. sur les ailes du 27 s’ouvre l’amplitude de M.
Je réalise en écrivant ce texte à quel point les chiffres m'ont toujours fascinée. Il y aurait tant à écrire sur les chiffres, les Nombres, les nombres premiers, les nombres irrationnels, les grands nombres, l'infini... La poésie du chiffre, les mathématiciens d'immenses rêveurs ?
Quand un texte nous donne à voir un autre monde, hors des cloisons où nous plaçons les choses, c’est simplement merveilleux ! Merci, Muriel ! J’aurais voulu en lire plus.
Oh merci Helena ! j’aurais aimé en écrire plus mais il y aurait tant à faire avec les chiffres (un autre gros chantier !!!)
est ce le professeur Song qui voit ainsi le monde ?
le dernier paragraphe très poétique sur la vision des chiffres pourrait le laisser penser….
et si belle cette bascule du chiffre au mot !
Alors a priori ce n’est pas le Professeur Song, je ne sais pas pour le moment comment Song voit les chiffres (lui qui vit aussi plutôt dans un monde de mots). Je n’ai pas essayé de faire entrer mon projet dans cette proposition-là car tout est arrivé très vite, j’ai suivi le flux.
Merci d’être passée par là, chère Françoise