#été2023 #03bis | quatre étoiles, hommage

Dans le réseau, dans la galerie, elles sont vraiment quatre. Quatre qui n’ont rien à voir au départ. Quatre pas faites pour se rencontrer. Quatre avec chacune sa vie.  Mais les quatre sont unies pour toujours : elles ont sauvé les enfants d’avant, tu te rends compte ?  Photo : dans la galerie, je les vois. Alignées : une bande de vieilles dames, disent les enfants d’aujourd’hui. Leurs tenues de grand-mères, avec robes démodées, colliers désuets pour certaines, coiffures trop soignées et sourires discrets ou convenus. Comment deviner, à partir de la photo d’elles-quatre âgées qu’elles ont échappé au pire, en pleine force de l’âge –je les ai toutes connues, elles ont toutes disparu et je suis seule à parler d’elles-quatre. Peggy, la trésorière d’après la guerre : forte en chiffres, en comptabilité. Important de savoir ce qui reste, ce qu’on demande quand pas de subventions pour les marqués au fer rouge, les pupilles de la nation. Mais ça c’était après la libération. Elle, je l’ai rencontrée souvent dans la maison des enfants et une fois, décisive, rue des Beaux-Arts, à Paris. Avant, dans le réseau de Suzette, elle avait fait ce qu’il fallait, parce que ça, non, on ne pouvait pas laisser faire. Les rafles, tout ce qui n’avait pas encore de nom. Et puis Simone, femme bien, sans histoire particulière. Juste une amie, alertée, immédiatement concernée, et on y va. Elle en a sauvé plus d’un, à ses risques et périls. Elisabeth, c’est un peu après. Une vie bien rangée et puis le choc, la nécessité d’être là au bon endroit, au bon moment.  La dernière, c’est Frania-Françoise. Son premier mari exécuté parce que juif, leur enfant caché grâce aux réseaux de l’époque. Son engagement, sa passion pour cela qu’on nomme éducation. Son incroyable vigilance. L’ouverture de la Maison. Attentive aux retours, même difficiles : elle avait voulu qu’on joue de la flûte aux orphelins le matin pour adoucir leur réveil, tellement dur. Mais eux, pleins de colère-chagrin, s’étaient pointés devant sa porte. On n’est pas des serpents !  Et elle les avait écoutés, compris jusqu’à dire : d’eux, les révoltés, j’ai tout appris. Tout. En elle, et dans elles-quatre, comment ne pas se reconnaitre ?

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

Un commentaire à propos de “#été2023 #03bis | quatre étoiles, hommage”

  1. « Mais eux, pleins de colère-chagrin, s’étaient pointés devant sa porte. On n’est pas des serpents !  » C’est évocateur et plein de force. De belles images comme on feuillète un album photo. Merci