Peut-être vous l’ai-je déjà dit, ils étaient là, assis à contre-jour. Un chant liturgique chrétien en malayalam monte depuis la plage, un mystère enveloppe ce face à face improbable. Lui, Shantu, tout en rondeur parlant malayalam à son portable pour quelle raison ? et cette femme plantureuse sous tout rapport répondant par téléphone, curieux dialogue. En approchant le mystère s’éclaircit ;  il s’agit d’une traduction simultanée, le croirait-on, en polonais . Des tableaux, des dessins, des cartes, et le pendule oscillant entre ses doigts, elle attend des réponses, son futur avait-il de l’avenir ? Je peux vous  le dire, nous attendons tous des réponses, le secret est de poser les bonnes questions. Si nous nous y arrêtons un  peu, poser les bonnes questions, comme je vous l’ai déjà dit est un art, prenez le yi king par exemple les hexagrammes tiret espace tiret, ou tiret plein de haut en bas ou l’inverse, le jeu  dans la transformation, c’est le point de départ qui compte le plus. Concentré, l’astrologue tient dans ses mains dodues le futur espéré ou redouté de cette polonaise comme vous le savez. Cette femme enjouée et perplexe acquiesce, n’ose pas le contrarier, elle paiera l’astrologue un gros paquet de roupies surtout si les perspectives sont acceptables. Mais le temps s’écoule et Dear John apparaît accompagné d’une nouvelle polonaise… 

Dear John de son vrai nom, arrive sur le patio rouge et doré face à la mer comme je vous l’avais mentionné plus haut, peut-être ne vous l’avais- je pas dit, il est le directeur de ces lieux, homme élégant très british car enfin nous sommes en Inde comme évoqué précédemment. Calme et imperturbable, il croise chacun en ce lieu avec une courtoisie gravée par des siècles d’occupation britannique. Sa priorité le bien-être de tous. Dear John prend ses trois repas par jour dans la salle à manger, ouverte sur le jardin comme je vous l’avais dit précédemment.  Quand il déserte son bureau au-dessus de la réception, , il navigue à l’affût, il en va de la réputation de cet établissement  au nom d’Anandalakschmi ; je dois vous le dire Lakshmi est la déesse de la beauté, prospérité, et de l’abondance. En été, il voyage dans le monde à la recherche de personnes intéressées par, ce que je ne vous ai pas encore dit, l’ayurveda. Ici tout se doit de baigner comme on dit, dans l’huile, l’ingrédient essentiel de cette médecine. Chacun peut se laisser glisser dans tout et rien à la fois, ça n’a pas de prise. Avec Anju ses bras droits à la réception, ils forment un duo convaincu.

Infatigable elle parcourt en tous sens l’ensemble du centre, couloirs chambres jardins cuisine, salle à manger souvenez-vous, répond à toutes les demandes de taxis, produits, rendez-vous, réservation, visites, change… avec un sourire indéfectible parée de son appareil dentaire. Ses longs cheveux noirs luisant d’huile de coco dans son sari soyeux, elle est la fée du logis. Le plaisir de chacun est le sien, comme je vous l’ai déjà dit, ici tout est possible, l’improbable aussi mais rien n’est tout à fait sûr.  Comme vous le savez déjà, c’est le règne absolu du ni oui ni non avec un sourire désarmant, les kéralais sont beaux, je parle ici d’une beauté contagieuse et irrésistible. Comme des félins ils circulent, quelques bruissements et tout à coup les voilà devant vous…