Chapitre 1, où l’on verra comment V. s’est mis à écrire
V. n’est pas poète, il écrit. Il voit celle-ci, la femme de la villa, dans le champ de maïs, il s’amuse à raconter le cadavre de la femme, l’assassinat, le vernis à ongle sur les pieds et le sang. V. ne sait pas, il invente, il se perd dans l’invention permanente, s’invente des vies, des amours, des voyages. V. écrit, c’est trop tard. Il est un homme qui écrit et ça n’arrête pas, ça écrit en lui et ça ne parle pas : pas de vie, pas d’amours, peu de voyages, des mots que V. écrit, des succédanés (V. cherche le bon mot : des ersatz).
Chapitre 2, où l’on cherchera la réponse à la question d’écrire à quoi ça sert ?
V. dit qu’il a la réponse : à rien. Il n’y croit pas, à cette réponse. Il invente : ça sert à être (ça ne veut rien dire, mais écrire ne sert à rien si ça veut dire, écrire cherche à dire ce qui ne veut pas se dire). Il faut inventer mieux, se dit V. : écrire sert à passer le temps, à le remplir, à le ralentir. Ce n’est pas la bonne réponse, V. le sait. Il écrit qu’écrire ne sert à rien et V. lui aussi, s’il a bien compris (il n’a rien compris, et c’est tant mieux), ne sert à rien. Et il écrit. Ce n’est pas rien.
Chapitre 3, où l’on verra que la vie d’écrire n’est pas de tout repos
V. a voulu faire lire ce qu’il avait écrit. Ils ont ri. V. ne voulait pas qu’ils rient. Il a écrit d’autres mots, des mots plus graves, des mots alourdis, il a tout fait pour qu’ils ne rient pas. Ils n’ont pas ri, ils ont appelé le docteur et le docteur n’a rien pu faire pour V., et V. s’est dit qu’au fond, écrire pour qu’ils rient, pourquoi pas ? Il a écrit pour qu’ils rient. Ils n’ont pas trouvé ça drôle.
Chapitre 4, où l’on verra V. se tirer de deux mauvais pas
Pendant que V. écrivait, deux dames ont frappé à sa porte. Elles lui ont dit qu’il y avait beaucoup de souffrance sur la terre. Il a répondu que ça ne l’intéressait pas. V. a menti, que pouvait-il faire d’autre ? Elles voulaient lui vendre un Dieu dont V. n’avait que faire. Les deux dames sont reparties. Le quartier grouillait de gens qui deux par deux frappaient aux portes. V. n’a pas trouvé la solution pour effacer la souffrance de la surface de la terre mais il a trouvé ce sur quoi il allait écrire et il s’est débarrassé de ces deux dames (la souffrance, c’est vous, V. se dit que c’est ce qu’il aurait dû leur répondre).
Chapitre 5, V. et la difficile question du réel
Ces deux dames étaient-elles réelles, s’est demandé V., quand elles furent reparties évangéliser d’autres pigeons, puis ça frappa à nouveau à la porte. V. hésita à ouvrir, il était en train d’écrire et tous s’étaient ligués pour l’en empêcher. L. entra. Les deux dames lui avaient demandé s’il croyait en la vie éternelle. V. réfléchit. La vie éternelle, non merci. L. s’assit sur le canapé et but une bière.
Ce texte est valeureux, vaporeux, ventriloque et vertueux… La verve est ce qui nous reste parfois pour vaquer à nos vagues occupations de vie ordinaire. V semble être un chic type cerné par les Vampires et les Vents vrombissants de Vénus prosélytes qu’il appelle Mesdames. Il n’a pas vu les Vamps venir ni repartir avant d’avoir compris les mécanismes de l’évaporation du sens. Au bout d’un moment, il a vu quels paris en tirer. Son viatique , il a pu l’inventer.Puisqu’il ne veut pas vivre en poète, ses vers n’ont pas vu le jour, mais il a pu déverser malicieusement son trop-plein dans un vase à cinq trous pour combler le vide des rencontres vaines, dans une prose à faire sourire les vagabonds et les vaches désoeuvrées. Verlaine n’aurait pas fait mieux.en amour.. « Les Violons mêlaient leur rire au chant des flûtes | Et le bal tournoyait quand je la Vis passer | Avec ces cheveux blonds jouant sur les Volutes | De son oreille où mon Désir comme un baiser | S’élançait et voulait lui parler, sans oser . [INITIUM extrait]