NUIT

Guetter ses proies à la tombée de la NUIT quand le soleil s’éclipse quand sous les ronces rampe toute une vie grouillante qui s’achemine vers les clairières NUIT j’aime l’incertitude entre chien et loup quand le jour s’immobilise avant la NUIT quand les iguanes descendent vers le fleuve je me terre au pied des arbres comme racine noueuse quand la NUIT monte sous les arbres je fige mon sang NUIT de l’iguane visage syncopé d’Ava quand l’alcool brûle les veines pour que la NUIT tourbillonne festin de danses et rêves ébauchés suis-moi dans ma NIGHT ma NUIT exubérante ou ma NUIT opaque percluse NUIT sans écho sans plus pouvoir ÉCRIRE la NUIT ne veut plus de moi le fleuve ÉCRIRE ne circule plus NUIT ai rêvé d’un boa restrictor NUIT il serrait ma poitrine m’étouffait NUIT il m’a avalée NUIT des forêts primaires NUIT plongée dans mémoire archaïque NUIT retourner dans les grottes avant la NUIT de nulle lune NUIT des craquements de branches NUIT aux froissements indistincts NUIT des chamans muets NUIT on ne sait rien du feu NUIT peur à l’état brut NUIT du guetteur NUIT ni love ni hate seulement la faim NUIT ma vision infrarouge NUIT elles viennent à moi sans crainte NUIT cette curieuse racine terreuse NUIT je les attends mes proies NUIT je déroute leur instinct NUIT de la dévoration NUIT quand il est trop tard NUIT

A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

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