– Je suis le rooaaaââ du monnnnde !
– Gaffe, tu vas te casser la gueule.
Lol s’est hissé sur la pigouille plantée de façon instable dans les fonds mouvants du marais. A cet endroit, au moindre écart de la plate et il se retrouve à la flotte. Ce ne serait pas la première fois. Ni la dernière. Lol, c’est pas le dernier pour faire le couillon. Son short est déjà mouillé et il a de la vase plein les doigts. C’est un peu notre jeu favori en ce moment. On fait deux camps et on se balance des poignées de bouillasse. Genre mud game comme dit l’ado qui parle bien l’engliche. On s’en colle plein des cheveux. Nos mères nous haïssent après ça. On laisse des traces partout sur le carrelage ou la moquette. Même si on se déchausse avant d’entrer dans la maison. Tu penses, on en a jusque dans les chaussettes. Plein les orteils, sous les ongles de pied, partout. Crasseux, voilà comment on revient mais quelle rigolade ! Limite si on en a pas dans les yeux, si on n’en mange pas.
– Arrête, on a dit qu’on serait des pirates. Regarde, les voilà les arbres aux pendus.
– Fais pas le con, descends de là.
– Appelez-moi Barbe Noire.
Mat se fait un bouc avec la glaise qu’il modèle en pointe. Phil sculpte des cornes dans sa chevelure gluante. Avec un bout de bois ou la pointe d’un ongle, quand on ne les a pas tous rongés comme moi, on dessine sur la couche de boue humide des signes, des codes secrets, des têtes de mort. Voilà, nous sommes prêts à l’abordage.
– A l’assaut ! Attention, Capitaine, il y a un traître à bord.
– Il sera passé par les armes.
– Je vous ferai rendre gorge, renégats !
Celui qui s’y colle, c’est moi. Les autres détestent les rôles de sale type. Moi, les assassins sanguinaires, les mouchards, les salauds, ça me va. En général, je me retrouve seul à la baille coiffé de renoncules ou de lentilles d’eau. Pas cette fois. Je fais volte face, je les menace avec une prise de kung fu et je les déséquilibre. Désarçonnés, ils basculent tous par dessus-bord.
– C’est moi le roooaaaââ du mooonnde !
2019 #ensemble #été #littoral #marais poitevin
En voilà une gourmandise ! Peter Pan n’a qu’à bien se tenir
C’est rapporter un peu de légèreté enfantine dans les précédentes écritures un peu plus noires. (marais poitevin, souvenir d’enfance mais pour y chasser la grenouille, alors)
c’est bien la légèreté aussi – ça enlumine comme qui dirait !
Joli, enluminer. La légèreté c’est la petite lumière de l’âme, juste avant la joie. Il y a jubilation à écrire léger et joyeux.