j’avais fait le tour du Colisée ce matin calme pâle d’été qui déjà en filigrane flamboyait Comme faire le tour d’une construction pas vraiment réelle un château évanescent elliptique fissuré de toutes parts où allaient se diffracter sur la pierre les mille lumières reflets silences et cris de la journée Je crois bien que j’étais fatiguée (de marcher, d’attendre, d’écrire) Je pensais aux couches terrestres souterraines de la ville ses strates sédimentées enfouies d’où auraient pris naissance en surface le visage et le corps des statues Poussées d’empereurs ou de figures mythologiques dans leur cortège de lenteur Alors que je vagabondais mentalement à présent dans la ville maintenant que j’étais rentré à Milan je revivais comme si j’y étais ma découverte en Arles quelques mois après mon voyage romain d’une série de photographies intitulée The Garden Ne parlait-elle pas d’un territoire s’étendant à 7 kms environ à vol d’oiseau du célèbre amphithéâtre et qui, sous un viaduc dans une poche paludeuse où s’épanchaient les eaux quelque peu déviées de la rivière Aniene (à moins que ce ne fut comme beaucoup le disaient une perte d’eau due à une explosion de matériel industriel) offrait à la vue et aux trois membres d’une famille de sans-abris le sol d’une terre accueillante habitable d’un environnement naturel foisonnant laissé pour compte libre de toute tutelle dans le voisinage d’un vaste complexe immobilier de verre et d’acier Je devrais – je m’en persuadais – retourner à Rome découvrir ce marais vert de velours sombre y croiser – qui sait – son seul habitant depuis le départ de sa compagne et de sa fille désormais hébergées dans un centre d’aide aux jeunes femmes en difficulté Ou sans doute n’y irais-je jamais, pourquoi finalement y aller… L’un des portraits de famille photographié dans une sorte de dimension tonale onirique archaïque cependant bien réelle réunissait Piero, d’origine sicilienne, Luba, d’origine russe et Angela (6 ans sur la photo et née sur ce même territoire) ; d’ordinaire
Alex installait son trépied très tôt dans le matin pâle qui ne laisserait guère filtrer par la suite les rayons francs d’un soleil abrupt même oblique ; le marais aurait été même en plein jour en permanence immergé dans une faible lueur blanche ; aurorale ; ou de fin d’après-midi délavé aussi bien saturé ; alors que les faisans et les poules d’eau auraient pudiquement croisé son regard ; émis des sons clairs ou gutturaux ; s’accordant aux trouées des feuillages ou bien à la légèreté la lourdeur du ciel ; Alex aurait alors attendu la prégnance d’ une luminosité ; la chute de leurs conversations ensemble à eux quatre ; semblable au tissage d’une fine toile de tissu ou végétale ; de craie ou musicale ; la prise photographique dilatée telle le saisissement d’ une fine épaisseur ; et puis à son retour Alex le photographe au moment de raconter aurait eu par moment cette voix trouée coupée… : le silence du marais ; et (avec d’autres de la série), ce portrait ;
Bonjour sandrine
Merci pour ce beau texte qui m’a ému et qui m’a semblé énigmatique. J’ai beaucoup aimé le travail sur les entours de la photo.
Merci beaucoup Fil!…Vous avez raison énigmatique, ici on ne sait jamais ou on va mais on y va!:)…A bientot!
J’aime beaucoup ce beau texte, son ambiance, quelque chose de mystérieux et d’aquatique dans l’écriture.
Merci beaucoup Muriel!…