Quatre hypothèses tirées du parpaing mou.
Hypothèse 1
La couverture du même papier fin que les pages intérieures, presque liquide, coulant sur les mains, le livre serait mou comme ce personnage principal, sans colonne vertébrale, allergique à l’architecture, incapable de décision, amorphe au point que toujours le dernier à parler le convainc, sans désir précis que remplir l’espace, être là, confortable, aimé, et les caractères choisis ronds, l’encre grise, juste contrastée, lisible mais à peine, et c’est en fonction du contexte que le texte se forme selon la pression extérieure, les variations externes : un livre dont le contenu même changerait avec son lecteur, ses aspirations, son envie du moment, changeant de contenu en tenant compte de la météo et des partages sur les réseaux sociaux.
Hypothèse 2
C’est une histoire. Une histoire d’amour. Un confiseur, champion de monde du caramel mou. Une dentiste. Le cabinet de la dentiste jouxte la boutique du confiseur. Et les amateurs de caramel mou font la fortune de l’un, puis de l’autre. Le confiseur l’ignore. Il voit souvent passer devant sa vitrine une belle femme qui jamais ne tourne la tête vers les montagnes de caramel, dont jamais la narine ne frétille lorsque la porte est ouverte sur la rue. Mais, un jour, le confiseur se lance dans le caramel dur. L’envie de changer, de faire ses preuves dans un domaine inexploré. Il s’y casse une dent. Monte chez la dentiste, reconnait la femme distante et belle. C’est le coup de foudre. Ils sont si bien assortis.
Hypothèse 3
Le grand flasque. C’est comme ça que tout le monde l’appelait et ça lui allait bien. Personnage principal de polar aussi. C’était son emploi. Le grand flasque résolvait des énigmes. Chaque mois une nouvelle. Curieusement, il avait des maîtresses sublimes. Toujours entre la page 57 et la 59. Et une autre, pas la même, 100 pages plus tard. Jusque dans les scènes de sexe il méritait son surnom. Grand flasque un jour, grand flasque toujours. C’était une des raisons pour lesquelles sa série avait tant de succès. Il bandait mou. Bientôt, ce serait le 100e volume. Le titre était déjà trouvé. Big Band Nostalgie. Ça allait cartonner.
Hypothèse 4
Le livre serait comme un dictionnaire, chaque entrée rédigée par un auteur différent comprendrait, répété comme un mantra le mot, encore le mot, toujours le mot qui aurait servi d’entrée au texte : ce serait pour chacun un mot écho qui rebondirait de syntagme en syntagme, leitmotiv aléatoire, rythme, rythme, saccade et pour chaque mot la respiration particulière dans les espaces fines entre les mots de celui qui aurait écrit ; une respiration presque palpable mot, mot, encore mot et l’on rebondirait à un autre sans vraiment se soucier bientôt de qui écrit emporté par les mots en cascade, en rebond, en cavalcade, ce serait comme un dictionnaire des respirations imaginaires, des souffles coupés, des halètements frêles.
bon, je sèche un peu sur le sens de la proposition et comme d’hab’, il n’ya que vous pour vous y être collé, très second degré cependant (mais le texte source aussi…) la 4 semble annoncer le projet livre de F B avec nos textes, je ressens une affection particulière pour le grand flasque qui m’évoque le gros dégueulasse de Brassens. Donc, j’apprécie mais je reste perdue !
Oui, la 4, c’est bien cela. C’était la moindre des choses. Et le second degré fait du bien, de temps en temps. Merci pour votre lecture attentive.
Le fameux et inoubliable parpaing MOU ! il contient toutes les hypothèses, j’adore la quatrième, j’aimerai la lire et y contribuer,
à mesure que je lis les propostions déjà en ligne, le sourire remplace l’inquiétude – on peut le faire – chacun à sa façon – il faut plonger dans nos textes et la petite ombre s’y cache, à nous de nous laisser l’attraper alors,
Catherine Serre
Chaque hypothèse m’intéresse avec l’envie de chasser le second degré, parfois affiché et relevé dans les commentaires. Par impertinence, peut-être. Car si le second degré était chassé, que resterait-il de l’essentiel entrevu ? Question à laquelle je ne peux répondre ; qu’en pensez-vous ?