27 septembre 1970 : encore l’époque des rentrées scolaires tardives. Premier dimanche d’après la rentrée. Je suis revenu avec les miens au jardin de l’impasse où il fait soleil comme si c’était encore l’été et les vacances. Et pourtant, depuis, j’ai entrevu la ville pour la première fois, ses soirées et ses lumières innombrables le soir. Je les vois encore amicales en ce premier dimanche qui fait un peu retour vers les vacances, où je conçois l’idée de dessiner à ma façon le paquebot France, de parvenir à dessiner tous ses hublots, comme autant de fenêtres d’une ville. La tresse des odeurs du jardin, qui était celui des vacances et qui redevient celui des dimanches, où il y a encore quelques figues mûres, du raisin qui le sera bientôt, fait un écran où se projettent les odeurs nouvelles de la semaine qui vient de s’écouler : l’odeur de la peinture et l’odeur du neuf.
27 septembre 1985 : encore l’époque qui vient juste après la rentrée scolaire au Sénégal. La première fois que pour moi, il n’y a pas de rentrée scolaire. Mais je vis celle des autres. J’ai justement dormi chez Kaw Yaya, celui qu’on appelle le maître d’école. Sa maison est remplie de lycéens et de lycéennes qui doivent se lever dans le matin encore frais. Hier soir on a fait du feu dans la cour et cela sent la cendre à peine refroidie. Les silhouettes que je croise portent d’inhabituelles couvertures sur les épaules et je m’étonne de ne pas davantage frissonner, moi. Mais c’est vrai, moi, je n’ai plus à faire mes preuves de rentrée scolaire.
27 septembre 2001 : tout autour de moi, on peut se voir dans les journaux, à la télé et même maintenant sur internet. L’explosion, dix jours après celle des Etats-Unis, a eu lieu tout près de chez nous. AZF ? J’en suis resté au nom que le grand-père donnait à cette usine, l’Onia. Jour après jour, la radio ajuste le nombre des morts, multiplie celui des blessés. Demain, cela fera une semaine qu’il s’est passé ce qu’on ne sait encore quoi, au juste. Une semaine que j’ai entendu ce bang, comme celui d’un avion passant le mur du son mais plus fort quand même. Et puis, juste après, le bruit de projection du verre des vitres brisées. Il y a eu ensuite le temps de l’incertitude, les tentatives pour joindre ceux de l’autre côté de la ville, savoir si tout allait bien et si on allait se revoir le soir même. Et puis, le lendemain, samedi, cette étrange fête de la figue. On avait dit qu’on irait, on avait dit qu’on raconterait des histoires. Mais les histoires, entre temps avaient un peu changé. Et dans deux jours, le week-end qui vient sera-t-il ordinaire pour nous ?
je crois que c’est un rien de perversité après mes matins passés à faire jouer jeunes amis avec les fractions qui m’a poussée à ouvrir..
bon n’ai pas trouvé de fraction mais la vie qui enchaîne le pire le banal et le doux
Merci pour ce commentaire (lu avec le tempo internautique lent qui me caractérise…), ce commentaire qui m’interroge et m’intéresse en cela.
Alors, fraction ou division ? Là est peut-être une question qui permet de préciser.
Il s’agit bien de division, pas de fraction. la fraction, me semble-t-il s’intéresse très exclusivement au résultat, la division reste à interroger les espaces et leurs séparations.
Ici ne m’intéressaient pas les années entre mais sans doute davantage la valeur des moments de séparation, parce que, dans le fond, il n’ont pas fait que diviser, délimiter mais auraient pu créer du retour, de la superposition, de la réinterprétation.
Quant au reste, mais vous le diriez mieux que moi : reste l’espace…
Bien à vous,
Philippe Sahuc Saüc