Périple
Nîmes revenant d’Afrique. Se sont arrêtés avec leurs trois gars.1,2,3 ses frères à elle. Et elle est née. En ont rajouté deux. Fille. Garçon. Inimitables, comme le premier. Pas connu. N’aurait pas pu l’être. Peut-être le préféré secret. N’a pu être protégé. C’était encore un temps de filles-mères. Un temps de viol aussi. Patron impérieux et pressant. Embuscade. Piège à fille trop jeune et mal soutenue. She#Too prescription. Lui, J.L . N’a pas choisi son prénom. C’était un temps à marraines. Eh bien ! Puisqu’il est là… Il n’a pas supporté. Infection. Fièvre infantile. Mort à l’âge de 3 mois. Hôpital Debrousse le jour du bombardement de Vaise par les alliés. Elle n’a rien vu. Elle cherchait du boulot. Mort de peur, elle imagine. On l’a mis à l’arrache sous la dalle des non reconnus, peut-être à Bron ou à la Guillotière. Fosse commune. Elle a eu honte de le dire. Elle n’avait pas d’argent. Le curé l’avait engueulée. Père et Belle-Mère l’avaient « foutue dehors ». Une loi Pétainiste pro nataliste l’a hébergée à la Cité de l’enfance tout au long de sa grossesse. Située à l’Hôpital du Vinatier à BRON. À la suite de la mort de l’enfant elle est à la rue. Sous l’occupation à Lyon. Débrouille-toi ma vieille, tu dois retrouver du travail. Vite et un lit pour ce soir ! Elle a des idées de suicide. Quelqu’un la rattrape au point d’enjamber le garde-corps du Pont de la Guillotière. Elle lui dit qu’elle ne se mariera jamais. Encore moins fabriquer d’autres enfants. Elle en a pourtant trouvé un dix ans plus tard… Un gentil mari. Il l’a fait valser. Il l’a réparée. Pour cette fois. L’enfance, non, il ne pouvait pas. Tous les deux orphelins de mère. Le couple a fait son temps. Furent heureux ensemble. À la fin de sa vie, elle parlait beaucoup de son premier bébé, tous les jours… Arrêt sur visage. Elle le décrivait… petit être chétif aux yeux bleus. Un drôle d’air. Elle les avait verts. De ne pas comprendre. Elle a eu pitié. Les cinq autres ont tous rappliqué sans savoir. Ceux et celles de la ribambelle. L’épilogue pour la couvée ? … Non, pas encore… Aucune envie de raconter ici à ce propos. Les faits du départ. Seulement les faits. Faut comprendre… Et vivre avec çà. Pas moyen d’écrire quoi que ce soit sans poser quelque part ce fardeau-là. Quelque part dans la ville et à l’entour, où tout se déroula. Implacable enchaînement des circonstances. Engranger le récit par « blocs de mots ». Au-dessus d’un ou plusieurs carrés de marbre ou de granit, des rectangles aussi. Archivage impérieux. On racontera peut-être d‘autres déboires pour les détails et d’’autres histoires moins noires. Ainsi va la vie.Tu vois bien, lecteur ou lectrice, que le pays des larmes peut se ratisser et désengorger sa sève à perpétuité. ⁝
Il y avait des arènes…
Comment je l’ai su ? À cause des barreaux. Dans mon rêve aussi. La tête de M. coincée entre deux. Voulait voir les taureaux. La frayeur maternelle. L’affolement autour. Petit garçon hurleur se tortillant dans tous les sens. Quarante ans plus tard curieusement. On en rira toujours. On l’avait surnommé « l’enfonceur de porte ouverte ». En contraste. Petite fille à robe blanche, assise dans un landau qui ressemble à une deux chevaux. Les galapiats autour, couleur sépia, on ne saura jamais, si c’était vrai… que le taureau pouvait surgir. Et le parc du Musée plus loin très beau sous le soleil de plomb. Elle avait fait des Albums. Avant de disparaître. Elle y avait pensé ! Émotion de son écriture sur des étiquettes. Et pour ces gosses là…Toujours les mêmes. Tous vivants encore. Les mêmes commentaires, plus rares, plus maigres, de plus en plus sépia, certains très effacés. Refoulés sans regrets… On l’ignore dans mon rêve. Tectoniques de la perte…Tu vois bien lecteur ou lectrice, qu’on peut raconter presque toute une vie en deux paragraphes !
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Jeu de zooms dans le temps. Curieux et prenant. Merci.
Oui, Jean-Luc, le mot « curieux » me va bien. Votre curiosité est la bienvenue. C’est le fond de la vie qui remonte à la surface malgré la consigne. Je vais essayer de ne pas trop mouiller autour et inonder cet atelier de mes obsessions. Merci vraiment.
Hello Marie-thé,
tes zooms dans les passés, tu nous y entraînes entre pensées intérieures et désirs de dialogue, oui c’est prenant comme dit Jean-Luc,
bonne suite,
CatS
je suis impressionnée, tout ce qui est écrit
là est absolument
vrai – s’est passé, oui, dans des vies vraies, vies femmes,
vies dures, je réécoute en dedans
« La nuit est une femme à barbe… » et puis soudain lumière inédite, comme si à force d’emprise, la fatigue du pire pouvait arriver –
« la fatigue du pire » , me fait penser à un passage de LAMBEAUX texte de Charles JULIET édité chez P.O.L ,mis en scène par Sylvie MONGIN – ALGAN au NTH8 à Lyon
https://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=2-86744-478-0
Un souvenir de femme effondrée et internée à l’asile peu après la naissance de son 4° enfant : l’auteur lui-même Charles ! Je me souviens de la silhouette et de l’intonation de la comédienne Anne de Boissy répétant le mot : Fatigue… Fatigue…Fatigue… Cette pièce a été jouée longtemps, et à chaque fois faisait pleurer des gens…
https://www.theatre-contemporain.net/video/Lambeaux
« la nuit est une femme à barbe » une chanson de Brigitte Fontaine, autre résiliente dans un registre d’incarnation déjantée qui bouscule les tympans… son cri est perçant… https://www.youtube.com/watch?v=Tetxj8hT_84