C’est en marchant dans les rues de la ville de nuit que le monde surgit. Comme dans ces rêves qui se perdent aux réveils, ici, les fenêtres font s’oublier le monde d’avant et les aquarelles des lumières dépassées.
Pour entrer dans ce monde que chacun observe sans voir, il faut arpenter et marcher dans l’ombre des lampadaires, il faut avoir le courage d’affronter les phares obscurs des automobiles qui glissent sur le bitume comme autant d’histoires qui s’enfuient. C’est en affrontant la banalité qu’une nuit, peut-être, on pourra se laisser émouvoir par un volet baissé, pas un vélo cadenassé, par un enfant qui court la bouche grande ouverte de rire, que l’on se laissera imaginer un monde que l’on ne connaît pas, et apprendre de choses que l’on ne nous dira pas.
Alors, et je vous le dis sans vous le promettre, je vous l’écris sans le jurer, tous ces appartements éclairés seront alors des souvenirs passés, des instants partagés, des rêves imaginés, des histoires inventées. Derrières toutes ces ouvertures vitrées, les visages croisés seront familiers, vous en connaîtrez les rires, les éclats, les passions, les tempêtes et les joies…vous prendrez pour vous leurs pleurs, vous les consolerez de vos regards, vous jouerez avec eux par la mémoire. Ils ne sont autrement que de comment vous les avez imaginés, ils sont ce que vous avez fait d’eux. Il existe car vous y croyez.
Marcher de nuit en ville. Recommencer. Passer, repasser. Puis un jour, au détour d’une porte, l’on est invité à rentrer. La porte est devant, la poignée n’est plus qu’à tourner. Imaginer. Il me faut encore imaginer les quelques mètres qu’il me reste avant d’entrer. Après, ce sera trop tard, je serai fixé, fixé. Figé.
J’entre.
Il y a des gens et sans le savoir il en manquait une. Elle arrivera en retard, robe noire, pull pastel rose, et tout le reste..
Je suis entré. Je suis le monde imaginé.