Elle est fumée.
Elle sort une longue cigarette du paquet de blondes posé sur la table, l’attrape délicatement de ses ongles rouges, auréole livide autour de son visage pâle, elle vient juste d’écraser une cigarette dans le cendrier, tordant ce qu’il en reste avec un violent dédain, écoeurée, concentrée sur la promesse floue de la prochaine. Elle penche son visage vers la flamme indécise du briquet, écarte ses cheveux longs derrière son oreille, il ne faudrait pas qu’ils brûlent, frotte sa cigarette à la lueur vacillante et dorée, instant de grâce, plaisir pur, elle fume, elle est fumée. Elle aspire, lentement, profondément, ses joues se creusent, ses lèvres enserrent le bout filtre, étau sanglant, elle fume, elle est fumée, elle aspire, envoie voluptueusement les volutes blanches dans la profondeur sombre de ses poumons, elle ferme les yeux, elle adore fumer, elle fume, elle est fumée, fumer tue, elle exhale l’ assassine, religieusement, petit nuage chaud et doux qui efface les chagrins, l’enveloppe, l’efface, évanescence, cérémonie barbare, magie blanche, ou noire, elle fume, encore une taffe, son rouge à lèvres écarlate ensanglante le filtre, son doigt tapote la cendre, bat la mesure, elle aspire lentement, la lumière rouge incandescente de sa cigarette blonde joue avec le noir de la nuit, elle fume dans l’ambiance embrumée du bar, elle fume, fume, fume jusqu’à disparaître en fumée qui sait.
Fumer et être fumée. Terriblement tentant de s’y remettre après lecture. Mais plutôt fumer en mots; c’est si joliment exhalé
Merci pour ce joli texte ou dansent des volutes blanches certains soirs au cours de cérémonie barbare.