Le soleil écrase tout le cercle de l’horizon, peu d’ombre aux abords de la Loire dont je me suis un peu éloigné perpendiculairement pour une raison qui s’est perdue dans ma mémoire, peut-être celle toute simple de trouver à manger. Au bord d’une petite route déserte en milieu d’après-midi, une oasis, des murs clairs découpés sur le bleu du ciel, une sorte d’épicerie de campagne, petit parking de gravier et de sable devant, des étals mal achalandés de fruits et légumes dans des cagettes, quelques guêpes, et à l’intérieur des produits de dépannage. J’appuie ma chaise longue roulante sur sa jambe-étrière. Je prends le peu dont j’ai besoin dehors, puis je pousse la porte. Au moins deux tomates et trois bananes je me souviens je crois. Un carillon sonne. J’observe les étagères, les prix, et saisis peut-être encore une boîte de sardine. Plus de pain. Je déguste la sensation de fraîcheur sur la peau apportée par le courant d’air du ventilateur, et derrière son bourdonnement j’entends dans l’arrière boutique les commentaires d’une étape de montagne du Tour de France. La sueur coule sur mon front, accentuée par le décalage de température. J’attends. Les commentaires sont rythmés d’exclamations. Je me dis que les coureurs doivent avoir bien chaud même tout là-haut. J’attends encore. Un bruit de chaise sur du carrelage. Un homme passe le rideau de perles et vient derrière la caisse. Il a la cinquantaine, front dégarni, moustache, débardeur. Il souffle. Lui aussi a un léger voile de sueur sur la peau qui fait luire son crâne. Guère de sourire. J’ai l’air de l’importuner d’autant lorsqu’il contemple mes maigres achats sur le comptoir. Pas de paiement par carte possible. Je lui tends un billet. Il cherche en maugréant de la monnaie qu’il ne trouve pas. Il repart dans l’arrière-boutique, revient. Il me le rend, et m’indique d’un geste de la main de partir avec mon billet et ma nourriture. Je lui propose de prendre quelque chose d’autre, il insiste. Je le remercie gêné et m’exécute. Il retourne à son Tour et moi au mien. Je ressors dans la fournaise. C’était une après-midi de juillet à l’heure de la sieste dans l’Ouest de la France.
j’espère qu’il y a autre boutique un peu plus loin et avec des clients
J’espère aussi, probablement à l’entrée de la première petite ville/gros bourg !
Plein de souvenirs à la lecture de ce texte. Pour ma part, quand je me suis éloigné de la Loire, c’était pour traverser la Sologne. Une histoire de langue de bœuf mangée par faim non par choix, sous une tête de sanglier empaillée. Bourgs endormis. Champs d’asperges. Longues routes et clôtures des deux côtés. Réserves de chasse. Pas d’eau, un cimetière fermé. On demande sa route, le type finit par nous inviter à l’apéro et remplit nos gourdes. Comme tout va bien, quand on s’en remet au chemin ! Merci pour cette remontée de souvenirs. Plus sur le texte: l’effet d’écho entre votre tour et le Tour mêlé à cette journée d’été. On se demande comment aurait réagit le commerçant si vous étiez sorti d’une voiture climatisée… Bref, l’humour n’est pas loin, il avait un coureur sous la main, un vrai, c’était sa façon à lui de participer à l’épreuve de montagne à la télé. Drôle et touchant.
Plein de souvenirs à la lecture de ce texte. Pour ma part, quand je me suis éloigné de la Loire, c’était pour traverser la Sologne. Une histoire de langue de bœuf mangée par faim non par choix, sous une tête de sanglier empaillée. Bourgs endormis. Champs d’asperges. Longues routes et clôtures des deux côtés. Réserves de chasse. Pas d’eau, un cimetière fermé. On demande sa route, le type finit par nous inviter à l’apéro et remplit nos gourdes. Comme tout va bien, quand on s’en remet au chemin ! Merci pour cette remontée de souvenirs. Plus sur le texte: l’effet d’écho entre le tour (du narrateur) et le Tour mêlé à cette journée d’été. On se demande comment aurait réagit le commerçant si le narrateur était sorti d’une voiture climatisée, ou si le commerçant avait regardé tout autre chose à la télé… Il avait un cycliste sous la main, un vrai, c’était sa façon à lui de participer à l’épreuve de montagne à la télé. Drôle et touchant.
Ça donne envie d’écrire d’autres pauses. Et ça me fait penser que je n’ai encore jamais lu Le Grand Meaulnes.
La Sologne, c’était ça en effet… l’un de nous l’avait dans sa sacoche. Mauvais itinéraire sans doute, on a été heureux de retrouver la Loire vers Amboise. Je ne me souviens que de ces forêts privées…et de la langue de bœuf.
Quelle chance de ne l’avoir pas encore lu !
Et oui, pour vos pauses, ça s’annonce riche. A exploiter sans doute, toutes ces rencontres de hasard. Je suis sans doute influencé par les films de Tati que je revois en ce moment, mais j’ai trouvé un peu de ça dans votre texte. Le gag est préparé en amont par la mention du Tour de france dans l’arrière boutique, on imagine ensuite très bien le commerçant, parti chercher sa monnaie, qui jette un œil sur sa télé, jeux de regard, puis scène finale, sans un mot… Jour de fête, ça doit vous parlez, non ?
Oui, vu à des projections mais toujours d’un oeil distrait, je re-regarderai. Souvenirs de longues lignes droites dans la forêt pour la Sologne. Avec un ami on voulait faire en 2005 La Loire à vélo qui existait à peine, je crois qu’on ne l’a jamais trouvée, et la Bretagne, pas de portable et une carte assez imprécise, pas non plus de photos et pas de notes. Que des surprises et des souvenirs impressions. Quand j’ai essayé d’en prendre en solo à d’autres occasions, souvent trop fatigué le soir. Cette année j’ai entendu un auteur d’un livre justement sur la Loire dire arrêtez-vous plutôt dans la journée pour prendre des notes, sans attendre les impératifs et la fatigue du soir. Je m’y essaierai des prochaines fois.