fenêtre occultée par des feuilles de journaux collées à l’intérieur impossible d’y voir rien que des nouvelles anciennes des photos jaunies du texte encre passée ici des résultats sportifs d’un week-end plusieurs années avant qui a gagné ce match et c’était important sur le moment mais aujourd’hui combien ont arrêté le moindre entrainement et choisissent plutôt de suivre à la télé les rencontres des professionnels sponsorisés elle ne voit rien par cette fenêtre qu’un passé qui n’a plus d’importance et c’est dommage car elle aurait aimé savoir ce qui se cachait là dans ce long bâtiment ancienne usine à gaz mais ce n’est pas possible elle a connu des fenêtres occultées comme celle-là par le givre ou la poussière celle de sa chambre d’enfant bien avant le chauffage central et le double vitrage couverte de givre au petit matin la buée cristallisée de sa respiration nocturne figée sur le verre et savoir alors qu’elle devrait s’habiller chaudement sa mère lui imposerait l’écharpe de laine tricotée pendant l’été et le gros pull vert qu’elle abhorrait comme son visage quelques années plus tard reflété par une vitre la nuit ses larmes sur ses joues c’était toujours la fenêtre de sa chambre d’enfant mais on avait investi cette fois dans une fenêtre moderne elle était protégée de l’extérieur mais pas des chagrins d’amour et ses larmes en témoignaient et son visage un peu bouffi un peu terne sa peau sans attrait elle ne pouvait pas séduire pensait-elle car l’adolescence est un âge difficile mais elle croyait que c’était elle pour toujours sans savoir qu’un jour elle tiendrait dans ses bras un enfant un enfant de l’amour un enfant conçu avec l’homme parfait celui qui lui fallait et que tenant la petite main de l’enfant elle dessinerait dans la buée soufflée de sa bouche des dessins qui s’effaceraient dans les éclats de rire et que c’était ça la vie de la buée et des dessins qui disparaissent aussitôt faits même les vitres volent en éclat et ce sont celles de l’ancienne usine à gaz un jour qui auront été brisées et en passant à nouveau là elle devinera dans la pénombre une pièce vide décevant et elle se dira car avec l’âge c’est ça qui vient aussi que sa vie aura été un peu comme ça une fenêtre qui sa surface passée ne révèle rien qu’un grand vide car au final il ne reste plus rien ou presque de ce qui a été et l’important était à la surface mais ce qui est derrière toujours déçoit la larme qui coulera alors
Mais comment faites-vous pour être aussi rapide à chaque fois ? ce glissement d’un fenêtre l’autre fonctionne si bien, en descente et montée (l’enfant) et redescente… émouvant (dans le sens où je pense que ça m’aidera à me mettre en mouvement pour mes fenêtres…)
Il m’arrive aussi d’être bloqué, ou de n’avoir pas le temps. Ce matin, la vidéo de François est arrivée à l’heure du petit déjeuner, regardée entre les céréales et le jus de pomme. Elle m’a paru impossible. J’ai cru remettre à plus tard. Mais ce sont des gammes, c’est un exercice. Plus on en fait, plus c’est simple, il me semble. Ce qui m’intéresse, c’est chercher l’angle, le petit truc… Ici, j’ai choisi elle plutôt que le il. Ensuite, j’ai choisi une fenêtre regardée de l’extérieur vers l’intérieur, car François ne l’évoquait pas, et puis le reste est venu, avec l’expérience du parpaing et celle des aquarium, et les réminiscence d’une fenêtre et sa bulle d’air dans la vitre dont j’avais fait un texte dans l’atelier précédent, si ma mémoire est bonne. Ensuite voilà, ça vient facilement, je n’ai pas beaucoup de mérite. (Et il faut m’en débarrasser vite pour passer à d’autres choses, sinon ça me travaille un peu).
Ce texte est extraordinaire. On comprend tout et pour moi c’est cadeau on suit l’histoire le personnage le récit est bouclé c’est profond. Eblouie et envieuse. Oui c’est exactement cela que j’aurais voulu faire. Hi hi. Un grand merci, double d’ailleurs car vous avez publié votre texte très tôt alors que j’étais dans la tourmente de savoir comment aborder cette proposition 6. Et je n’ai pas voulu lire votre texte de suite mais j’ai guigné le commentaire de Catherine et aussi votre réponse et compris que vous partiez de l’extérieur d’une fenêtre. D’où on texte intitulé Passage, celui que vous m’avez permis. Votre texte contient tant de pépites, le givre ou la buée sur la fenêtre et l’évolution de celle-ci et aussi du visage de votre elle. Merci
Merci.
Quelle fluidité ! Votre texte emporte comme une vague, belle et amère. Merci.
Fluidité est un beau compliment, merci.