Dix pour cent de ton revenu. C’était le tarif des cotises. Mais de revenus, nous n’en avions pas. On donnait de notre argent de poche, ou une partie de nos premiers salaires. Je n’ai aucun souvenir de moments d’échange de billets, de cette collecte d’argent. Grand absent. Le capital, la chute tendancielle du taux de profit, ça oui, l’effort pour comprendre je m’en souviens, mais les billets passant de la main à la main, rien. Pas plus que du loyer du local, du prix d’une ramette de papier ou du temps qu’il avait fallu pour rassembler les fonds nécessaires à l’achat des machines à imprimer. C’était différent pour toi. Tu percevais de l’argent tous les mois. Élève professeur. Je ne sais plus combien. Même de ce que me rapportait les ménages dans l’agence de voyages, je n’ai pas souvenir. Un grand blanc comme un drap sur les aspérités. J’aimerais aujourd’hui aligner des chiffres, ils me feraient signe depuis les jours et les jours passés. Le prix d’un repas chez Maria, le prix des foulards volés au Monoprix, le prix d’un ticket de bus, celui d’un jean au quartier arabe, celui d’un café boulevard Garibaldi que les vieux Marseillais prononçaient à l’italienne, tout cela je le sens bien ouvrirait sur cet hier. Mais rien ou presque. Peut-être le prix d’un livre écrit dans la monnaie d’alors, au crayon noir. Soixante francs.
C’est joli comme en arrière fond ça dresse le portrait d’un moment très singulier et fort. On glisse sans très bien savoir où sur quoi sur qui. Poétique et imagé. On voyage d’un lieu à l’autre, tous connectés.
Merci Sybille.