Le premier cercle duquel je parle, concentrique, mon premier cercle a crû il y a mille ans dans la géologie du lieu enfoncé dans la roche pour boire aux sources des nappes et réseaux mon deuxième cercle s’édifie sur le premier et mes branches commencent à s’étaler ces amas entrelacés de feuilles soutenues par les lianes mon premier cercle commence à résonner sur le second , mes branches en dansent l’écho, mes ramures se balancent, le vent du troisième siècle de mon ère souffle sur mon réseau de racines elles sont 2 fois ma taille j’entends les réseaux de mes frères , je perçois les échos de mon premier cercle accordé je suis déjà instrument de musique le premier homme me voit et me pense mandoline guitare ou résonance du violoncelle, je suis déjà vibration, je voudrais te donner mon accord que tu le cueilles, avec mon consentement nommer ta première symphonie ou ta première sonate ou tes percussions l’hiver ma mélodie se fait ténue mes branches sèches dansent sans vents au dessus de la terre moite j’aborde les récifs des valeurs grises je danse quand même ma mélodie atténuée en mineur se retranche attend le printemps suivant, 4ème cercle à mesure que je croîs les cercles résonnent les uns dans les autres mais selon un ordre, j’apprends peu à peu ma langue d’arbre, car au début je la balbutiais alors que j’étais encore arbuste, mais peu à peu, mon babil se fait langue, je commence à parler ma langue d’arbre je parle aux êtres de la forêt à qui comme moi s’étendent chaque année un peu plus émettent les signaux de notre dialecte secret
ma respiration ne s’apaise pas, je pense des phrases ininterrompues, je suis malgré mon immobilisme apparent en perpétuel mouvement Écorce je perçois mieux maintenant mon cœur qui n’est pas comme le tien, humain, bien défini dans la cavité entre tes côtes mon cœur bat et palpite le long de mes branches j’ai un cœur partout, et je suis transpercé d’oxygène ce que tu vois humain, c’est ma majesté, pleine, altière souveraine dans l’affirmation de mon existence. Tu ne me perçois que partiellement, tu ne vois que la partie émergée de moi même, je continue de m’abreuver au lit des fleuves dans la tourbe et la boue; je commence à ressembler à un paysage de roches : mon tronc prend une allure de terrain, comme ma texture, c’est une sorte de camouflage, sous le ciel gris, plombé en attente de l’orage, nuances de gris, de noir, de brun, de terre d’ombre et de sienne , j’entends de moi même l’écho profond du temps des racines, jusqu’aux branches, j’entends venir le chant sourd du printemps je suis chêne, hêtre, baobab palmier, cocotier ou suis-je encore dans un état non différencié seulement avant d’être feuillu, vert bourgeonnant quand les planètes s’alignent
je vois un jour un promeneur, ou j’entends un animal se faufiler, et j’annonce les nouvelles aux autres arbres, mon bruissement courre des cimes à la base jusqu’aux confins des clairières. Je te vois promeneur, attentif, entrer ici et goutter mon langage, je te perçois chercher à entrer en contact avec moi tu ne sais comment faire, et tu reviens des jours d’affilée, des nuits entières à m’approcher, as-tu pensé à m’apprivoiser, apprivoiser mon électricité, mon oxygène, la façon dont je module ma sève, qui irrigue mon langage d’arbre ? je suis une tribu, je suis solitaire sur la dune comme un guetteur,
tu te penche, promeneur vers l’humus à ma base, tu tâte cette douce mousse, humide , je te perçois de ma plus haute branche, je t’entends, tu sauras un jour être aussi sur ce mode vibratoire, cela te viendra un jour sans te prévenir et tu ne sauras pas quoi faire. Tu seras un arbre, tes bras, tes jambes par l’intérieur seront écorces, tu ressentiras être un arbre de l’intérieur, ton cœur cessera de battre un instant dans ta poitrine, ton sang sera sève, et tu marcheras quand même (je suis lien entre la terre et le ciel)
Votre texte résonne jusqu’aux plus profondes de mes ramifications, toute pauvre humaine déracinée que je suis. Merci.