2. Offert par petit-fils.Heureux. Argent de poche. Léger à la main. Nécessaire dans un sac, une poche, sur une table, un bureau. Il est ma tête. Combien de pages noircies! pour fixer, garder. Dés que j’en vois un je le saisis, je prends, touche. un mince cylindre de quatorze cm. tout droit. Absent de certaines maisons, tout plastique un peu de métal. Il est noir à chaque extrémité. Pas souple, raide comme un bout de bois dont on fait les fléchettes. Il en émerge un petit germe qui ne grossit jamais. Il est vivant pourtant, ce stylo offert par mon petit-fils, plus doux que le stylet des hiéroglyphes. Stylographe, styloencre, stylobille ou styloplume, il remplace le porte-plume qu’on range dans le plumier. Une plume ? d’oie ? qui dit plume dit pâté, tâches, éclaboussures. Toujours aimé les stylos. Trop, j’en ai trop. Toute une collection. « Prenez votre stylo ». Cartouche finie trop vite, j’en ai un cal au majeur droit. Encre noire. Cent fois le geste de prendre, geste lointain. Traitement de texte, abandonner mon stylo, de gros efforts à faire. Je n’y tiens pas, et pourtant…le clavier est pour moi un travail de bureau. Noter à la main sur un bout de papier, un titre de chanson, une pensée. Une vidéo de 25 minutes, stylo – pause – noter – pause, pester, revenir en arrière – pester , il serait caduque! Je l’ouvre et garde le bouchon main gauche, la droite écrit. Parfois le stylo écrit plus vite que la pensée. J’aime le yoga du geste d’écrire, le yoga gestuel, mon cerveau fonctionne, part vers l’épaule, le bras. -Arrêter avant la douleur – sans tension dans la main – respirer calmement -. Le stylo ressent tout, comme avec un piano, si vous voulez jouer une partition plus enjouée, le simple fait d’y penser s’entendra dans votre jeu, d’autant plus que le stylo a une plume douce qui file, file beaucoup plus que ces divers stylos à friction, à roller, à capuchon ou à clic, bien qu’un écrivain de génie puisse écrire avec un bout de crayon sur un support tout à fait bizarre comme un rouleau de papier hygiénique dans sa prison.
3. Il m’a été offert par mon petit-fils, il avait dix ans, avec son argent de poche, tout heureux. Léger à la main, vers l’ordinateur, dans ma poche ou mon sac. Il fait partie de moi pour fixer, garder. Je le prends, touche un mince cylindre de quatorze cm tout en plastique, un peu de métal, raide comme un bout de bois dont on fait les fléchettes. Léger, élancé, à le tenir on éprouve un plaisir dont le revers serait le tapotement énervé des doigts sur la table. Il en émerge un petit germe en métal qui ne grossit jamais. Il est vivant pourtant ce styloplume. De très loin me reviennent « Prenez votre stylo » « n’oubliez pas votre stylo » » pas de stylobille, un styloplume ». Combien de pages noircies, de cartouches finies trop vite, j’en ai un cal au majeur droit. Encre noire. L’abandonner pour le traitement de texte, pas question, le clavier représente pour moi le travail de bureau. J’aime mieux noter à la main, sur un bout de papier, un titre de chanson, une pensée, transcrire une vidéo, stylo – pause – noter – pause – pester – retour en arrière – reprendre. Il serait donc caduque ? Le geste d’écrire est un yoga, j’imagine que mon cerveau part vers l’épaule, le bras, la main – arrêter avant la douleur – sans tension – respirez calmement – c’est le chemin du fluide du cerveau vers la plume. Le stylo ressent tout, comme au piano, le fait de vouloir dire la gaieté ou la drôlerie passera dans votre stylo avec sa plume douce qui file, file sur le papier lisse. Bien qu’un écrivain de génie puisse écrire dans sa prison avec un bout de crayon à mine sur un support tout à fait bizarre comme du papier toilette…je m’emballe, là, un écrivain de génie, un rouleau de papier toilette, oui, sans doute, mais là, pour l’instant, comme si c’était facile d’écrire pour moi ! Comme je bafouille avant de trouver le mot juste! Tu délaie, là, tu as peur de ne pas y arriver. Qu’est-ce qui t’a pris de choisir le stylo ? Il est lui-même écriture, juste l’intermédiaire entre toi et ta tête. Tu peux même dire que la distance entre le langage et le stylo est tout à fait ténue : ils sont si près l’un de l’autre. Tu le regardes dans ta main, il est l’urgence même d’écrire. A ta mort, ils vont le jeter ? A moins que l’enfant devenu grand qui te l’as donné, ne le prenne subrepticement et le mette dans sa poche pour repartir à ses explorations. Plus tard, devenu vieux, il le prendra pour tenter d’écrire ce qu’il a vécu ? Pas sûr, il fait des vidéos tous les jours.
4. Depuis très loin me reviennent quelques phrases : « Prenez votre stylo » « N’oubliez pas votre stylo » « j’ai dit pas de stylobille! un styloplume! Depuis toujours, il est tout près, dans ma poche, sur le bureau, dans mon sac. Il fait partie de moi. A le tenir, j’éprouve du plaisir, tout à fait l’opposé du tapotement énervé des doigts sur la table. Combien de pages noircies, de cartouches finies, j’en ai un cal au majeur droit. Cent fois le geste de le prendre, un plaisir, un besoin, noter sur un bout de papier un titre de chanson, un poème, une citation, transcrire une vidéo, pause – noter – pause – reécouter – reprendre – Je pense à un yoga, le yoga stylomain, j’imagine qu’il part de l’épaule – arrêter avant la douleur – pas de tension – respirer calmement – c’est le chemin du fluide vers la plume puis le papier. Je dis ça, mais comme si c’était facile d’écrire pour moi! Comme je bafouille avant de trouver le mot juste. – Tu délaie là! Tu as peur de ne pas y arriver. Qu’est-ce qui t’a pris de choisir le stylo, qui est lui-même écriture, juste l’intermédiaire entre ta tête et ton texte! Il devient texte, il est vivant – Je le regarde écrivant, il est l’urgence d’écrire, il donne les mots. Le petit-fils qui me l’a donné il y a longtemps, ( Tout juste 25 ans ce 22 juillet )je le vois très nettement, il le prendra subrepticement comme un souvenir de moi, pas forcément pour écrire tout ce qu’il vit intensément, il fait tellement de vidéos.
5. Tout prêt sur le bureau. Le prendre comme on met ses lunettes le matin. Le plaisir déjà là, un besoin, sûrement. Son stylo transcende l’esprit. Elle laisse venir, tout est là, en elle, Longuement, patiemment, difficilement parfois. L’écart est tellement petit qui va du stylo à l’écriture, il est l’urgence d’écrire. Elle pense à son petit-fils qui le lui a offert, « Quand je serai morte, il le prendra comme un souvenir de moi, pas forcément pour écrire, il fait tellement de vidéos avec sa go-pro ».