5 FOIS SUR LE MÉTIER

1. Déchet. On te retrouve dans la cellule et dans l’atome. Pas un caillou pas une pierre. Nu.  Aplati. Comme des yeux  qui regardent, des yeux ovales.  Toujours au centre. Récupérable et recyclable.

2. Cailloux ou galets, de taille moyenne. La tasse de verre en est pleine et n’entend pas les lâcher à l’enfant qui la fixe, telle un bocal à poissons. Sorte de palets de bois sans autre raison que d’être ensemble, empilés. L’enfant dessine au feutre. A la place des cailloux, il met des poissons rouges. Sa mère prépare la tarte.

 3. N’est pas le fruit, mais le petit palet sucé raclé jusqu’au bois dont il est fait. Resté caché  sous la langue. N’est pas le fruit du  hasard, plus papillon que chenille, pas le fruit d’ailleurs, le cœur du fruit. Tous les autres, les milliers d’autres seront jetés, brassés triés dans  des mâchoires industrielles, à la tonne vendus  et en été,  cassés, broyés pour leur amande. L’enfant le crache sur la toile cirée. «  Je le mets dans quelle poubelle ? »

4. Il a fallu déshabiller le fruit, se régaler du fruit orange et mûr, gouter le divin nectar sur toute la superficie de la langue. Souvent niché en fond de bouche, planqué dans la bajoue, Il faut, pour te récupérer, revenir au centre,  dégager la langue. Ma mère les utilise rincés séchés, quand elle fait toutes sortes de tartes notamment la tarte aux myrtilles. J’adore les décoller de la pâte cuite qu’ils ont empêché de gonfler.

5. Il est au cœur, petit ou gros, le cœur du fruit. Cœur de bois promis à la poubelle ou à la casse. Cœur de bois cachant l’amertume et la matière première, un joyau. Nos déchets sont des sources. Je débute un poème, pas convaincu. Mais j’ai  un petit faible pour les poèmes. L’abricot est  mon fruit préféré. «  Maman, est ce que nous aussi on a un cœur ? »