Il s’agissait d’une simple promenade, une baguenaude comme elle disait, elle, la randonneuse impénitente qu’admiraient ses amis, toujours marcheuse, toujours marcher. L’itinéraire choisi par ses soins les baladait sous les frondaisons que l’automne commençait à teinter de bruns et de roux, quelques feuilles jaunies de ci de là. Ils avaient vu un écureuil, les citadins s’étaient extasiés, c’est si joli un écureuil. Quelqu’un avait parlé de champignons, après tout, en automne, c’est la saison. Une autre avait dit ‘c’est dommage, il n’y a plus beaucoup de fleurs’.
Mais elle, elle avançait, sans guère se retourner, toujours à la tête du groupe, des copains, des connaissances, à qui elle avait ce désir de faire découvrir ce lieu vers lequel ils se dirigeaient, qu’elle avait un jour déniché en se perdant. Un ou deux commençaient à renâcler, on marchait depuis près de deux heures, et la forêt ne s’était pas encore ouverte, le sentiment d’enfermement dans une nature toute puissante commençait à les envahir… il faisait d’ailleurs plutôt sombre sous cette canopée encore dense, et ça devenait oppressant pour certains dont pourtant les horizons habituels (immeubles, immeubles, clochers, avenues…) n’étaient guère plus dégagés. Ils n’entendaient que le chant de quelques rares oiseaux, la rumeur lointaine des voitures s’était estompée, le silence les entourait.
Au loin, une lueur leur redonnait l’espoir de parvenir enfin à destination.
Après un court raidillon, ils ont débouché soudain, essoufflés, devait LE lac, émeraude, calme, pas une risée… ah si, là-bas, des ondes concentriques sans doute provoquées par quelque truite cachée sous les algues ont-ils pensé. Et puis un chant de crapaud. C’était un paysage clos, l’eau entourée d’arbres parfois penchés sur elle, un peu plus loin une sorte de mangrove, des racines émergeant d’un espace vaseux, ici une roselière dense qu’on pouvait deviner pleine d’une vie discrète. Au dessus des arbres, sur leur droite, une falaise, raide, blanche, rocheuse par endroits, plantée ailleurs de ces courageux arbrisseaux qui semblent capables de s’accrocher n’importe où. De l’autre côté, ils devinaient une vallée que la végétation masquait .
Ils ont encore fait quelques pas, silencieux, ont posé leurs sacs sur le sol sableux. La parole s’était comme envolée, ceux qui quelques minutes avant chantonnaient encore pour se donner un rythme de marche s’étaient tus. L’eau était en train de changer de couleur : tous ont levé la tête, un nuage masquait le ciel et ombrait la surface. Puis elle a repris ses teintes, nuances de vert et de turquoise, un peu de brun par ci par là, le blanc d’un nuage en reflet, miroitement serein.
Fascinés, debout. En paix. Ensemble.
Bravo ! J’habite au pied de la forêt de Fontainebleau et votre texte m’évoque ces marches en forêt…et parfois quand les gens viennent d’ailleurs et que je les emmènes loin.