Regarder le sol blanc et propre tout en tentant de comprendre quelque chose à ce qui se parle dans l’assemblée, tout autour de soi, se demander si l’on est bien à sa place, si l’on a bien quelque chose à faire ici, si l’on n’est pas un peu une impostrice, faire semblant de réfléchir, d’avoir quelque chose à dire, se sentir au bord, partir ou bien rester, ajuster le regard pour mieux voir ces petits cercles gris du diamètre d’une pièce de dix centimes sous les pieds, tantôt collés, tantôt fusionnés, tantôt éloignés, seuls au milieu de la multitude, sans trouver d’organisation logique à tout ça et se dire bon sang mais c’est bien sûr que c’est par là qu’il allait falloir commencer, parce que c’est là que tout commence, ces petites cellules en train de se multiplier, le début de quelque chose d’important, le début de la vie, revenir en arrière à moins que ce ne soit en avant, sur ce sol de pierres grises parfois jaunâtres, aux tailles et aux formes variées, aléatoires, bordées d’un joint autrefois blanc, grisonnant à présent, pierres rugueuses et polies à la fois, parsemés de creux et de bosses, de taches plus ou moins colorées, incrustées dans la chair de la pierre, des blocs assemblés là avec soin et justesse il y a plusieurs centaines d’années, pour former ce sol dur et solide, glacial l’hiver, tiède l’été, puis remonter vers l’intérieur, sur ces carreaux aux différentes nuances de marron, intacts malgré tous les tourments du temps, des pas, des déplacements, des travaux, un seul carreau brisé en un endroit, vestige d’un passé révolu, oublié, réchauffer son regard sur les lignes courbes ou droites d’un tapis aux couleurs vives, chatoyantes, à dominante rouge, monter encore sur les marches de pin vitrifiées vers un étage de parquet épais, grosses lames de bois brillantes, brunes, jaune, oranges, clouées au sol, couvertes de nœuds, d’imperfections, longuement poncées, nettoyées, huilées pour faire peau neuve au temps de la rénovation, lames craquantes en certains endroits au moindre pas posé dessus, la nuit pour ne pas réveiller traverser le couloir comme si l’on marchait dans la jungle ou sur les rochers d’une rivière, en drôles d’enjambées, pour éviter les pièges, ne pas tomber à l’eau, croiser la salle de bains et son parquet pont de bateau brun foncé, aux fines lamelles jointées de noir, posées à l’envers, incident de parcours, multiplication des rainures où se nichent poussière et autres débris de corps, monter encore, (re)trouver le moelleux de la moquette byzantine, ses poils courts et doux à la fois, tache d’encre ineffaçable, filaments de cheveux gisant en arabesque sur le tissu, restes de poussière de voûte sur les contours ; ascension des sols terminée dans cette cellule intime où un rai de lumière vient éclairer la moquette en diverses variations de violet, où le froid ne pénétrera plus jamais de façon insidieuse par en-dessous, où l’on se sent enfin à sa place, ne plus redescendre, jamais.
(ben si redescendre quand même) (hein) (impostrice c’est pas mal trouvé – ça n’existait pas ?) (j’aime Causse et Lozère sans jamais y avoir été qu’en cinéma – ça ne fait rien) (bonne route)
ça y est, je t’ai retrouvée, tout en haut de la maison, tout en haut de la montagne, hauteur de vue, vue sur la vallée, lumière, cheminant sur tes sols, grimpant tes escaliers, toujours plus haut,oui!
Inquiétant du début à la fin malgré le moelleux de la moquette byzantine…
Inquiétant ? Oui sans doute… Merci Marlen pour tes commentaires.
Merci pour ce moment d’évasion loin du sol blanc et propre et des mots qui ne viennent pas. Puis se faufilent hors pensée, s’étoffent, prennent corps et réchauffent.