# P6 les jours

Dimanche

Ferme abandonnée aux ronces, aux ajoncs, portes ouvertes. Une chauve souris s’envole dans la pièce borgne, les nids d’hirondelles collés aux poutres à côté d’un compteur électrique éthylique. Dans le four à pain, un filin avec un nœud suspendu à la poutre. Difficile de chasser l’image qui vient spontanément. Par la petite ouverture dans le mur de granit, le champs de mais, le clocher du bourg.

Samedi

Chercher un manoir à l’abandon où j’ai été conduite une fois, sans adresse, sans carte au milieu des petites routes de terre, des champs, avec le repaire du clocher qui bouge comme la lune aperçue de la fenêtre du train. Tout cela relève du puzzle de 1500 pièces. Je repasse plusieurs fois devant mon point de départ, devant un hameau où des silhouettes disparaissent dans des hangars. Je croise trois fois une mère qui rentre de la plage avec ses trois enfants, l’un perché sur ses épaules, brandissant une pelle, les deux autres devant râlant portant chacun une anse du sac rempli du fourbis de la plage. J’entends le bruits de leurs claquettes, ils ont les pieds gris de sable. Aux bribes attrapées en passant en vélo, je sais qu’ils s’étonnent de nos allers et venus. Tout cela entre les gouttes, qui finissent par vraiment s’affirmer, nous fuyons sous le grain, trempés et moi aveuglée derrière mes lunettes.

Vendredi

Retour à marée basse, il laisse choir son mouchoir sur la cale et sa femme, tout à sa conversation avec la baigneuse. En diagonale, ils s’éloignent en remontant la plage déserte.

Jeudi

Quand on court, des angéliques blanches ou brunes qui dodelinent au vent parmi les graminées, la bruyères rase, les ornières et le sillon central avec les pousses de camomille, les rochers qui affleurent le sol. Finalement presque pas d’attention à la mer, hors cadre, à côté de la course. Courir avec des œillères la tête à terre.

Les panneaux d’indication des lieux- dits à la campagne, des noms isolés au bout de longues branches avec juste une tige pour les relier comme si l’habitat suivait la floraison en grand écart de la verveine d’argentine.

Mercredi

Elles travaillent de bonne heure à leur potager, à ramasser les oignons pour les mettre en caisse, et les sécher sur le contrefort de la maison. La ferme est au centre de leur journée. A la génération suivante sera vendue pour une résidence secondaire. La perte du sens comme l’usage d’un mot qui a perdu son sens premier.

Mardi

Penser aux portails et aux haies, selon l’usage que l’on en fait, un bunker, la grille du domaine, fierté du propriétaire qui veut briller avec ses laquais, portail toujours ouvert, toujours fermé avec un panneau proprieté privé, portail en plastique blanc incassable, portail branlant, rouillé, portail que l’on enjambe, ou pas de portail du tout.

Lundi

Le BIM, le bulletin d’information municipal est le pouls de la commune, rencontre associative, festivités, vente de matériel le plus divers, objets trouvés, commerces ouverts, permis de construire, invasions d’insectes, protection des nids d’hirondelles, invitation à restituer les objets disparus, décès, mariage. Chercher l’information qui fait boum.

A propos de Hélène Boivin

Après avoir écrit des textes au kilomètre dans un bureau, j'ai écrit des textes pour des marionnettes à gaine et en papier. Depuis j'anime des ateliers d'écriture dans des centres sociaux et au collège. J'entretiens de manière régulière ma pratique auprès du Tiers-livre.