Dimanche
Le jour de potentielle vacuité entraîne ce paradoxe d’une frénésie d’activités. La maison est un cube immobile, posé là par hasard à la surface de la terre. Qui s’en approche y verra une ruche affairée, qui y regarde de plus près encore y observera le modèle de l’agitation atomique. La peur du vide, elle a renoncé à la dompter autrement qu’en le remplissant.
Samedi
Journée pleine d’inessentiel. Vue de haut, une multitude de mouvements qui se croisent, se superposent. Le tissage de la ville, d’une maille à l’autre, par une armée en perdition. Et puis cette jeune femme à blouse bleue qui l’affuble de lunettes psychédéliques faisant de lui un homme bionique, un homme-machine. Les murs sont pleins d’yeux d’écaille ou de métal qui nous observent. C’est donc là que vit Argos… Je m’attends à voir surgir le Minotaure de la salle sombre où elle s’engouffre.
Vendredi
Un chemin étroit, fait de terre. On n’y passe pas à deux voitures et pourtant on y file à toute allure. Ce chemin me rappelle un rêve fait la veille ou bien était-ce le lendemain, comme une réminiscence ? Il fallait s’engager et rouler longtemps sur une route tortueuse, à flanc de falaise, l’entrée de la route était gardée par un chat aux yeux exorbités, qui ne cherchait qu’à bondir hors du filet qui le retenait. Un chat de garde, c’est drôle. Peut-être aussi un souvenir du chat d’Alice. C’est un rêve récurrent d’une haute route bordée de mer, si étroite qu’on ne pourrait y mettre deux pieds et pourtant une voiture peut y rouler avec facilité, vers quelle destination ? Vers le sourire du chat peut-être, qui seul demeure. Fascinant.
Jeudi
Journée de contrastes, d’équilibre peut-être. Un funambule traverse la ville, suspendu au-dessus du vide. Maladroitement il avance fixant l’horizon comme ligne de fuite. Il tombe à deux reprises. Une fois sur sa droite et il se retrouve assis à une petite table qu’un rayon de soleil réchauffe tandis que des bulles égaient son verre. Il flotte, il avale par petits coups l’insouciance et la légèreté, au rythme de ses intonations familières. Il faut bien remonter sur le fil, pourtant. Il tombe à nouveau sur sa gauche cette fois. Il se heurte alors à un mur hurlant, un mur que rien ne peut convaincre de se taire. Faire cesser ces cris qui sifflent dans sa tête. Il sait que demain il se réveillera l’esprit et le corps meurtris, comme battus par une main invisible.
Mercredi
Elle se retrouve prisonnière d’un ours masqué dans une cage de papiers. L’ours jongle avec les chiffres, fait tournoyer les feuilles au-dessus de sa tête, elle sent le souffle d’air qui frôle son visage. C’est un ours de cirque sans doute ? Il n’a pas l’air agressif en tout cas. Elle n’y comprend rien mais elle répète qu’elle a confiance, elle le caresse, pour qu’il la libère enfin.
Mardi
Revoir cette salle comme on fait un pèlerinage, retrouver les visages vieillis et fatigués. « Je vois trouble maintenant et je ne vous reconnais pas » dira-t-il dans un souffle.
L’aider à monter les marches une à une et le voir me dévisager comme une inconnue. Torpeur du néant pourtant visible.
Je m’épuise à tirer hors de l’eau un naufragé et toujours la mer le reprend. C’est la mer qui gagnera et tous le savent.
Lundi
Un jour de plus à regarder des visages épinglés dans de petites cases vacillantes, collection d’insectes affichée sur un tableau bleu. Un échantillon des espèces les plus connues, celui aux ailes un peu trop brillantes et qui continue à les lustrer dans un mouvement aussi vain que désespéré, celui qui devait être le chef et qui bat des mandibules pour le prouver encore, pour qui pour quoi ?, celui qui se retrouve là épinglé par hasard et qui serait mieux ailleurs, celui qui est tout petit mais gonfle son ventre pour montrer qu’il existe et moi qui les regarde, moi qui fais mine de m’intéresser à cette jolie collection.
Quelle magnifique semaine ! Ce n’est pas Alice ni son chat qui diront le contraire. Quelle porte à passer pour vous rejoindre ?
Merci Louise. La porte du rêve ou du réel, je ne sais.