En 2011, des instances politiques décident de la mise en place du Grand Paris, développant nombre de projets reliant entres elles les proches, lointaines banlieues et la capitale. Prévisions de flux et reflux.
Pour les parisiens, le Boulevard Périphérique, plus de 10 ans plus tard, ceinture toujours leur Ville. Frontière étanche, tranchée bruyante, où circulent en permanence en triple voie des véhicules à moteur. Il y a la Ville intra-muros et le reste, l’extérieur, vaste zone indéfinie où habitent les autres. Les autres étant les « banlieusards », des sous habitants de l’agglomération parisienne. Ils sont considérés comme tels par une majorité de « vrais parisiens ». Exception faite pour banlieusards dont l’adresse se situe dans certaines communes de l’ouest de la capitale, dont tout le monde connaît les noms. Flux et pas encore reflux.
Les parisiens veulent conserver la frontière, rester là où ils sont, et surtout ne pas sortir de l’autre côté, passer du soleil à l’ombre, du proche de chaque chose au loin de tout. Ils refusent de franchir des ponts au-dessus du Boulevard Périphérique, comme à l’époque des châteaux forts avec ponts levis. Complexe de supériorité bien ancré, même si nos rois habitaient Vincennes ou Versailles. Quand une famille parisienne devient trop nombreuse et l’espace trop exigu, c’est à reculons qu’un déménagement en banlieue peut être envisagé. Alors essayer de trouver et d’énoncer l’ensemble des avantages pour ne pas être déconsidérer par les amis qui peuvent rester, eux, et n’envisagent nullement de vieillir au-delà du Centre, de délaisser les avantages d’une vie quotidienne dans La Capitale économique et culturelle. Flux et reflux à conditions.
Pour les parisiens, une fois franchie la frontière du périphérique tout peut arriver. Le GPS s’avère nécessaire face à l’absence de nom de rues. Les toilettes publiques restent introuvables, les commerces fermés, sans parler des piétons, rares, ne comprenant pas le français. Pour rester politiquement correct un parisien, même militant des droits de l’homme, ne dira jamais que ce sont avant tout les conditions économiques des banlieusards qui l’incommodent. Il parlera du manque de transports en commun et d’infrastructures, au mieux de populations défavorisées. La pauvreté dérange. Dans Paris intramuros, elle reste tolérée. Pas au-delà. Il n’y a rien de commun entre un expatrié et un exilé, même s’ils ont le même accent, proviennent du même pays et vivent du même côté du Périphérique. Flux et reflux compromis.
Pour les parisiens, les besoins vitaux des banlieusards s’avèrent différents des leurs. Les enfants n’ont les mêmes envies de se défouler dans les cours de récréation, les habitudes alimentaires ne dépendent pas d’un compromis entre budget et goûts. Le Boulevard dépassé, la frontière franchie, les certitudes cèdent, les considérations vacillent. Flux et reflux utopiques. Rien ne va plus.
Bravo Pascale !
Le périphérique est une sacrée frontière, qui ne me semble pas prête à craquer !
Très bien écrit et très bien vu !
Merci.
Merci Fil. De quel côté habites-tu ?