Une nouvelle peur, une peur supplémentaire de l’inquiétude a percé, une inquiétude pas encore omniprésente, mais pas loin de le devenir, pas une inquiétude de plus, non une inquiétude fondamentale, une majeure, elle s’impose, disparaît de moins en moins, elle risque de devenir une idée fixe, centrale, constituante, cette inquiétude, les autres, les moindres inquiétudes, éprouvent quelques difficultés à reprendre leurs places habituelles, parce que vous savez les inquiétudes, je connais bien, chaque jour, chaque nuit, je dois respirer avec, les repousser, les menacer ou tenter de me raisonner et vivre avec, avec la menace constante qu’elles se développent au point que je ne parvienne plus à les contrôler, mais cette dernière menace d’inquiétude dépasse toutes les autres, cette inquiétude-là, d’une telle ampleur, à ne plus me contrôler, cette inquiétude majeure, une fois qu’elle sera entièrement acceptée, identifiée comme telle en moi, ce sera quasi impossible de la chasser, cette inquiétude-là, c’est comme une nouvelle image qui me traverse la tête, elle s’impose sûre d’elle-même, de sa valeur, elle s’affiche victorieuse, écrase tout sur son passage, ensuite vous savez je ne pourrai plus m’en détacher, telle une sœur siamoise, cette hypothèse que je n’avais pas jamais envisagée, si proche qu’elle menace non pas ma zone de confort, depuis longtemps réduite à zéro. à se demander si pour moi elle a existé, vous y croyez, vous, à une possibilité de vivre sans inquiétude, dans le confort mental d’une confiance en la vie parce que ma nouvelle inquiétude est si terrifiante, si destructrice, que je redoute même de la nommer, car si la nommer la faisait exister plus encore, comment pourrais-je faire, comment, comment ce pourrait être encore plus terrifiant, plus violent je ne sais pas, mais ce serait encore plus dévastateur, oui si dire sa teneur, en accentuait la force, non je ne veux pas, vous comprenez, je ne peux pas, surtout pas, ne pas dire, ne rien dire, trop de peur viendrait d’un coup, trop, cette inquiétude me frapperait trop, vous rendez-vous compte du risque encouru, un risque d’anéantissement de ce qui me reste de force vitale, de ma croyance déjà toute relative en une vie possible ici et maintenant, et la perte de mes moyens que cela créerait, vous savez tous me pauvres moyens seraient affolés, paralysés, le mode de survie où tout devient possible, où tout devient impossible, tout, tout vient si vite dans certaines conditions, n’est-ce pas, c’est effrayant ce qui se passe là, maintenant, si cela pouvait être seulement une manière de s’exprimer de dire ce que je ne veux pas dire, ce que je ne peux pas dire de mon effroi, vous savez tous ces superlatifs employés pour se faire entendre, pour qu’on vous croit, mais là non aucune exagération de quoi que ce soit, le constat d’une inquiétude croissante, désespérément disproportionnée, enfin non, pas si disproportionnée que ça, mais vis-à-vis de mon corps incapable de l’encaisser, oui disproportionnée mon inquiétude, ma peur, mon effroi, vous savez maintenant ça prend tout mon corps, mes gestes, ma respiration, mon rythme cardiaque, mon dos lui aussi supporte mal une inquiétude de cette ampleur, échelle de Richter 7 ou 8 , je ne suis pas loin de l’anéantissement, toute seule avec mon inquiétude je me détruis, ils n’ont même pas besoin d’agir directement contre moi, je ne veux pas vous faire peur, car mon inquiétude est la mienne, quoique, mais disons tout de même qu’elle est la mienne, que je veux la garder pour ne pas vous inquiéter, non je ne veux pas vous inquiéter, non je ne veux pas vous , non je ne veux pas, non je ne veux, non je ne, non je, non.
progression dans une inquiétude une peur qui peut devenir nôtre. Merci