Acheter une robe d’occasion au Marché aux Puces de Montreuil
1/ Ne pas arriver trop tôt, c’est inutile. Rassembler énergie et détermination. Avoir du temps devant vous et une représentation précise de votre corps. Ne pas avoir d’idée préconçue sur ce que vous voulez acheter. Laisser le hasard guider vos achats. Accepter l’idée que vous ne serez pas comme dans une boutique confortable, seule dans un salon d’essayage avec miroir. Être ouverte à l’inattendu, c’est à dire prévoir d’acheter une robe mais vous montrer capable de revenir avec une jupe ou un pantalon et un chemisier sans regret. Vous accorder le droit de se tromper.
1 bis/ Porter de préférence un leggings et un tee-shirt fin afin de pouvoir essayer dessus. Ne pas oublier de se munir d’un mètre de couturière.
1 ter/ Faire attention à votre sac. Prendre de préférence des pièces de 1 et 2 euros, prix en général, d’un article. Vous fixer un budget maximum. Contrôler un minimum l’acte d’achat compulsif. Vous méfier de la tentation d’acheter tout ce qui plaît, pour compenser tout ce qui ne plaît pas dans la vie. Vous méfier des affaires exceptionnelles mais jouir pleinement du plaisir d’en faire des bonnes.
2/ Balader le regard sur les premiers tas de vêtements. Observer largement et voir ce qui vous attire : une teinte, un motif, une texture… Sélectionner puis tirer sur le morceau de tissu séduisant. Extraire avec délicatesse le vêtement encore indéfini et emmêlé au pêle-mêle. Sentir sa fluidité, sa finesse, sa douceur en tirant. Identifier au toucher la matière : coton, soie, polyester, laine… et lire l’étiquette, si vous en trouvez une. Regarder la taille, si elle est toujours indiquée. Déployer l’intégralité du vêtement. Découvrir s’il s’agit d’une robe, d’une tunique ou d’une chasuble. Vérifier l’état général, l’absence d’anomalie majeure. Repérer les éventuels trous, tâches indélébiles, boutons manquants, fermeture éclair cassée. Se questionner sur la taille. Détailler la hauteur des pinces de poitrine, du buste et des hanches. Vérifier l’état d’usure des dessous de bras, de l’encolure.
3/ Vous demander avec quoi vous assortirez cette robe, si vous assumerez sa coupe basique, sa forme très spéciale, son décalage probable avec la mode dominante et actuelle. Vous demander si vous n’en avez pas déjà trois identiques dans votre armoire. Vous demander à l’inverse si cette robe vous plaît suffisamment pour l’acheter, si elle ne restera pas dans l’armoire ad vitam æternam.
4/ Plaquer devant vous le vêtement pour avoir une idée sommaire de la correspondance entre la taille de la robe et la vôtre. Tenter d’essayer sur vos vêtements la robe. Envisager de choisir un peu trop grand plutôt que trop petit.
Solliciter l’avis d’une femme à côté de vous, une qui ne louche pas sur la même robe, vendue 2 euros, car si elle louche dessus, à moins qu’elle ne soit pas de la même corpulence que vous et encore, elle est peut être venue acheter pour sa fille, elle pourrait ne pas être de bonne foi, si vous lui demandez si elle vous irait bien cette robe droite noire et blanche en maille, doublée satin, sans manche, au tissus lourd qui tombe bien, années 70, et sur laquelle vous flashez.
5/ Finir par essayer la robe sur vos vêtements. L’ôter puis l’acheter si elle semble vous convenir. Ne pas marchander pour 1,2 ou 5 euros. Répéter l’intégralité de cette technique d’achat plusieurs fois, car même si la petite robe noire et blanche des années 70 vous paraît parfaite pour vous, aux Puces on n’est certain de rien. C’est même ça qui est bien.