Du musée la femme de ménage n’a jamais vu la moindre toile. Elle ne connaît que seaux, serpillères, produits ménagers et les gens qui pestent contre elle parce qu’elle ferme les toilettes pour travailler, parce qu’elle ne comprend pas ce qu’ils lui disent, parce qu’elle ne dégage pas assez vite, parce ce qu’elle est différente d’eux. Pourtant son sourire est réconfortant et ses bras grand ouverts pour le jeune enfant en pleurs, qui ne retrouve pas sa mère face à toutes ces portes fermées.
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Il n’y a pas pire que les soldes. D’avance son dos lui fait mal. Se baisser, se relever, porter les piles de boites à chaussures, monter les escaliers de la réserve. Elle sait qu’elle n’aura plus de voix à force de « Bonjour, Merci, Oui, Bien sûr Madame », qu’elle aura mal au coin des lèvres à se trop forcer de sourire, qu’elle devra se concentrer pour repérer les voleuses, pour donner la bonne paire à la cliente impatiente. Elle est l’ainée et les jeunes lui demandent toujours quelque chose, elle doit les aider c’est normal, mais c’est lourd les soldes, avec les vendeuses en extra en plus.
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Dans la cour, elle surveille la jeune trisomique. Même épuisée par la rage de dent nocturne de son petit dernier et la canicule, elle ne devrait pas aller boire un verre d’eau. Pourtant elle s’est dirigée vers les toilettes. Et soudain un ballon déboule, bouscule la trisomique qui tombe. Le genou saigne, l’enfant panique, et elle, l’ATSEM, a peur que les parents l’accusent de faute professionnelle. Alors vite elle retourne vers l’enfant en pleurs. Elle se tord les pieds dans la grille du platane de la cour et tombe, la tête sur le métal.
Trois portraits pleins d’humanité. Durs et tendres à la fois.
Merci Pascale !