Je regarde mon stylo, il est élégant, cette élégance me rassure ; elle va permettre aux mots de sortir de la bouillie mentale qui précède l’écrit. Il est noir et argent, luxueux, le luxe de pouvoir s’exprimer, de signer, d’affirmer par des mots son existence. Il possède cette agrafe, qui permettrait de l’accrocher à l’intérieur d’une veste. Il porte sur lui, une image de l’homme du vingtième siècle, le costume, le noir des berlines, l’argent du capitalisme. Je le prends, il est lourd, c’est un stylo d’homme, il doit peser, il doit tenir debout. Je commence à écrire, sa bille est un peu dure, un peu sèche, les lettres sont un peu gravées sur la feuille. Il est fait pour laisser une trace. Les mots apparaissent en couleur bleu antique, on ne met pas n’importe quelle couleur dans un stylo comme celui-ci. La marque du fabricant est gravée sur une bague près du capuchon. Cette marque est une valeur refuge. Je lis cette marque et elle me grandit un peu. Le capuchon près de cette bague est transparent, une transparence qui amène les mots : cristal ou diamant dans mon esprit. Cette transparence se reflète sur la bague marquée. Je suis fier d’utiliser ce stylo. L’usage que je fais de l’objet est moins important que l’image de moi que cet objet me renvoie, c’est ça le luxe et je ne vis pas hors de cette société.
C’est vrai qu’il est très élégant ce stylo !
Une ancienne amoureuse des stylos (c’était un petit plaisir d’en acheter un nouveau)…. totalement incapable de se souvenir de cette addiction totalement oubliée, juste le dégoût de ces objets qui fuient (même les plus grandes marques). Ce texte me les rappelle un peu.