Elle est là, un hexagone de la taille d’une demie-main, un cerf-volant transparent, et si fine, perlée de gouttes de pluies translucides qui brillent sous l’intrusif rayon du soleil projeté sur elle, la toile. Elle est là, la toile, dans le coin du mur, en bas, derrière le chambranle de la porte, et quand j’entre je la vois, la toile, là depuis plusieurs jours déjà, la toile de l’araignée, mais l’araignée qui l’a faite cette toile, je ne la vois pas, ne l’ai jamais vue, est-elle morte l’araignée autrice de la toile, mais la toile si, je la vois bien. Je me dis même qu’il faudrait l’épousseter. Et dans les fils de la toile, deux cadavres, vraiment englutis dans les fils de la toile, un moucheron et une mouche emprisonnés à jamais dans les fils de la toile, bons à croquer par l’araignée qui l’a fabriquée, cette toile, chaque fois que j’entre je vois la toile, je me dis bon sang ah mais oui la toile, il faudrait la retirer, et j’oublie aussitôt jusqu’à la prochaine fois, ou en rentrant je la verrai de nouveau, la toile, comme me narguant, son côté bel ouvrage inimitable comme réalisé par une magicienne, et pourtant le point d’araignée je l’ai tenté au tricot comme au crochet mais rien à voir avec la finesse de cette toile, cette toile emprisonnée derrière le chambranle de la porte où sont eux-mêmes emprisonnés une mouche et un moucheron, cette toile abandonnée par son araignée qu’il faudra que j’époussète un jour. Et peut-être est-ce parce que j’admire ce bel ouvrage qu’est la toile, ces fils si fins qui brillent dans le jour où se sont faits piéger la mouche et le moucheron, et encore plus de s’y être agités, dans la toile, au point qu’on les dirait maintenant dans un cocon, les deux casse-croûtes de l’araignée qui n’est pourtant toujours pas venue les croquer et dont je conserve contre toute logique la toile sur le chambranle de ma porte d’entrée.
Quel plaisir cette répétition de la toile qui crée une attente malgré l’immobilisme, la disparition de l’araignée et la mort des mouches et qui crée l’obsession aussi. J’imagine une longue plongée dans la folie. Merci !