Une rue s’étend devant moi longée d’immeubles gris d’une dizaine d’étages tous percés de fenêtres semblables et régulièrement espacées, je constate que mon immeuble est tout à fait identique aux autres, si je relève la tête, je remarque qu’une des fenêtres du septième étage laisse voir une étoffe de couleur orangée, c’est absolument la seule dans ce cas. Finalement, je comprends qu’il s’agit de ma fenêtre et de mon rideau à motifs capucines qui m’a donné tant de joie. Je marche devant moi, bien décidée à découvrir ce monde, longeant ces immeubles semblables les uns aux autres. De l’autre côté de la rue il y a un long mur gris et aveugle parcouru de coulures verticales plus foncées, de taches qui semblent de rouille et au pied de ce mur que je vois se prolonger à perte de vue, des écrans semblables au mien, – celui que je pensais mien- mais que de toute évidence je partageais avec d’autres habitants vivant sans aucun doute derrière ces innombrables fenêtres, habitants qui demeurent pour le moment invisibles, et vrai, pas un bruit ici, à part le son d’une voix fort lointaine et probablement diffusée par un micro (un écran?) dont je ne distingue pas les propos. Je décide de porter mes pas en direction de cette voix puisque la rue incroyablement répétitive ne me propose aucun autre repère. Je marche donc à pas tranquilles, en observant scrupuleusement les halls derrière les portes vitrées closes de chaque immeuble, absolument tous semblables, au bout d’un certain temps, la ligne d’immeubles subit enfin une interruption au moment de traverser une seconde rue qui s’étend de part et d’autre, les immeubles y sont en tous points semblables , faisant face à un mur aveugle en tous points semblables au pied duquel gisent à intervalles réguliers des écrans en tous points semblables dans une atmosphère de désolation, je décide d’emprunter cette nouvelle voie sur ma gauche et de nouveau je marche un bon moment où rien ne se manifeste hormis cette voix dans un micro très lointain dont j’ai l’impression qu’il s’éloigne encore, je décide donc de rebrousser chemin, et au croisement je continue tout droit pour avoir assez vite le même sentiment de m’éloigner de la source sonore, mais un nouveau croisement se présente, d’une rue encore toute semblable où j’ai dès les premiers pas la sensation de m’approcher de cette source, d’être même à très peu de distinguer et comprendre les sons avant que cette perception reflue de nouveau, ce qui me décourage, je poursuis toutefois mon chemin, à ma droite le mur gris, les écrans affalés au sol, à ma gauche des immeubles du même modèle, c’est affreusement ennuyeux, je tourne encore à l’embranchement suivant, désormais je ne perçois plus aucun son, je lève la tête dans l’espoir de trouver quelque chose, un signe, une différence, un trou ou une vis dans le mur, une différence entre les halls d’entrée, en pure perte, ce monde est indéfiniment répétitif, rien ne retient mon attention, rien, je parcours du regard chaque fenêtre, et à un étage élevé, je remarque enfin un détail intéressant, un rideau de couleur orangé, un rideau couleur capucine, je suis donc revenue sur mes pas, je m’avance devant le hall, la porte reste fermée, j’essaie de bouger, d’agiter les bras, de la pousser. Rien à faire, je ne pourrai jamais plus rentrer chez moi. Profondément découragée, je reprends mon périple, relève encore la tête vers les étages de l’immeuble suivant, au septième, un rideau capucine transparait à travers la vitre.
La narratrice est-elle perdue, a-t-elle fait un tour ou un pas dans un univers parallèle, on ne sait pas et tant mieux, ce qu’on ressent : la recherche effrénée de quelque originalité dans le banal,
oui oui Catherine, bien repéré, c’est un truc un peu bizarre genre chantier que j’ai en cours, de temps en temps les propositions s’y prêtent …