HLM rose délavé, 4 étages, des années 70,
entre le trottoir et la façade, un bosquet de buis, trois beaux platanes, une petite pelouse plus ou moins entretenue. Petit balcon avec barreaux en étage. au rez-de-chaussée une série de fenêtres horizontales.
au rez-de-chaussée gauche, sur le rebord des jardinières de géraniums vermillon reposent devant des stores blanchâtres souvent à demi ouverts. Vers 7 h du matin, été comme hiver, la fenêtre du séjour s’ouvre. Ça permet de mieux respirer durant la séance de gymnastique chinoise (ce n’est pas du taïchi) de ce petit homme, un peu chauve, plus jeune. Son origine asiatique ne me permet pas d’évaluer son âge. Après il refermera la fenêtre, mais entre temps, j’ai pu voir un grand drapeau français, une grosse télévision au fond du séjour, une tablette avec un écran d’ordinateur. Une femme asiatique vit aussi dans cet appartement.
au rez-de-chaussée droite, une cuisine peinte en vert vif et ingrat, une table sous la fenêtre, des placards muraux foncés. Lumière blafarde de néon. Souvent un homme bedonnant assis près de la table sous la fenêtre mange. Il mange la nuit. La soixantaine, il est souvent en tricot de corps blanc. Bras gras, pas sexy.
au premier gauche, un couple, lui adore être torse nu, en short, sur son balcon pour bronzer, assis dans son fauteuil bas de rotin, il écoute de la musique fort, tout le monde en profite, qu’on aime ou pas. Il aime se montrer et il se montre. Elle plus discrète, très discrète même. Tous deux une bonne trentaine, d’origine arabe. Pas d’enfant en vue. Les murs du séjour rouge sang, avec au fond une grande image ou une tapisserie genre paysage de sous-bois avec biches. De loin c’est vraiment moche. De près je ne sais pas.
au premier droite, une femme 70 ans soignée, cheveux blancs impeccables coiffés. Peut-être était-elle coiffeuse. Elle devait être blonde avant. Tout sourire, du type amabilité commerciale quoique trop âgée pour travailler encore. Habillée de vêtements clairs, repassés. Coquette. Elle se lève tôt et parle au téléphone le matin près de sa fenêtre. Elle parle longtemps en regardant la rue derrière ses lunettes. Le regard parti ailleurs mais elle sourit toujours. Rideaux blancs type dentelle industrielle aux fenêtres. On ne voit rien de son intérieur.
au deuxième gauche, sur le balcon un vélo déglingué, un caddie usagé et d’autres choses encore… à l’intérieur du linge qui sèche dans la cuisine ou le séjour ? Des draps ? Un homme, petit, affable, peau mate de marocain, la quarantaine, un petit chapeau sombre vissé au crane. Il fume à sa fenêtre. Il fume beaucoup, souvent avec un pote ou un autre, souvent plus ou moins penchés à la fenêtre, côte à côte. Ils regardent la rue. Toujours des hommes différents, mais toujours du même genre. Et lui toujours son petit chapeau rond de gitan, qu’il parait ne pas être.
au deuxième droite, deux jeunes femmes, silhouettes assez fines, peaux blanches et cheveux châtains, sur leur balcon des plantes desséchées. Elles n’ont pas la main verte. Des étagères sur le mur du fond, des livres sans doute. Lumière chaude. Elles se couchent tard. Parfois d’autres personnes en visite le soir. Un parent ? Des amis ?
au troisième gauche, jamais remarqué quoi que ce soit. Appartement vide?
au troisième droite, un couple de retraités, je ne vois pas leur intérieur. Ils prennent parfois un apéritif sur leur balcon, allure classique de français moyens. Rien de particulier. Lui un peu rondouillard, elle silhouette plus élancée. Sans histoire, enfin manière de dire.
au quatrième gauche, « la folle » . Maigre et vieille comme une sorcière. Des pigeons sur ses rebords de fenêtre qu’elle nourrit, mais chasse à coup de manche à balai. Elle accroche des sacs plastiques roses ou bleus avec des pinces à linge aux rambardes. De derrière ses volets au ¾ fermés, de sa fenêtre ouverte, elle sort la tête, le buste et le bras et agite son balai en gueulant. De toutes façons elle crie au lieu de parler. Elle passe son temps à crier quoique peut-être pas à l’heure de la sieste. Après quoi ? À qui s’adresse t-elle de sa voix pointue ? Son de télé parfois. Quand dort-elle ?
au quatrième droite, des nouveaux venus, un couple de jeunes noirs en surpoids, peut-être avec une petite fille ou une nièce qui parle à ses copines dans la rue, du balcon. Lui jamais au balcon, elle elle est souriante, on se fait coucou quand elle ouvre ses fenêtres, les murs nus de l’appartement sont tout blancs. Encore nus et encore tout blancs ?
Bonjour Pascale
J’aime beaucoup ce HLM rose !
La vie y joue son jeu avec et sans mode d’emploi.
Merci !