Une façade banale, même décevante comparée aux belles maisons à l’architecture viennoise qui est difficile à décrire mais qui est typiquement blanche, avec pleins de moulures décoratives et dont les façades sont couvertes de grands rectangles qui malgré leur simplicité apportent une élégance à l’architecture. Or, cette façade-ci n’avait pas ça, c’était du béton. Les quatre derniers étages étaient des appartements, le deuxième était une boîte pour la vente de bijoux, et le premier étage était le fameux café. De dehors, le café se contenta de deux plaques métalliques à chaque côté de l’entrée, ainsi que deux arbustres pareillement disposés. On y trouvait un écriteau au-dessus de la porte, et des morceaux de bois d’un ton cuivré dessinant le contour de l’entrée et des fenêtres par lequel on voyait des rideaux blancs brodés. A l’extérieur une série de tables et de chaises était disposée avec précision et attention de manière à ce qu’aucune place ne soit en dehors de l’ombre que fournissait les grands parasols bordeaux. En face du restaurant, un homme très âgé, probablement s’approchant des 100 ans était assis devant l’entrée, c’était Leopold Hawelka lui-même qui salua ses habitués. Le café existait déjà en 1907 mais sous un autre nom et en 1936 le café Leopold Hawelka fut ouvert mais a dû refermer pendant la guerre. Il a réussi à rester intact et depuis sa réouverture, le café est devenu un point de rencontre quotidien pour de nombreux artistes, intellectuels et écrivains. Il est fameux pour ses « buchteln », de la pâte levée à base de confiture que Joséphine Hawelka passait chaque nuit à faire et qui sont souvent servis après 22h.
A l’intérieur, des tables rondes en marbre blanc, ainsi que des chaises en bois, des vieux fauteuils de velours rouge et blanc dans les coins de chaque pièce. Pas d’agitation, pas de serveurs qui courent, pas de voix qui s’empilent jusqu’à ne plus s’entendre, non, du calme, de la sérénité, deux hommes agés à chaque bout de la pièce lisant sereinement le journal, un couple d’habitués qui discutent de la vie d’autres gens, un couple de jeunes touristes qui planifient ceux qu’ils feront le reste de la journée, une mère et sa fille étant si contentes de partager ce précieux moment ensemble et quatre collègues de travail qui font leur pause ensemble. Sur les tables, comme boisson les clients prennent des « Eiscafés », des chocolats chauds avec de la chantilly, des « Wienermélange », des « Mokka », des thés, des « Apfelsaftgespritzt » ou des limonades maisons mais rares seront les personnes qui oseront prendre un coca ou n’importe quelle autre boisson industrielle. En termes de plat, c’est la folie sucrée : des Apfelstrudel, Topfenstrudel, des Sachertorte, des Linzertorte et toutes sortes de gâteaux et viennoiseries qui titilleront l’appétit. Les serveurs sont d’une extrême politesse et élégance avec un gilet de costume noir et noeud papillon. Les pièces sont peu éclairées mais juste assez pour pouvoir lire et également adoucir la journée.
En 2005 Joséphine Hawelka et décédée, en 2011 Léopold est décédé à l’âge de 100 ans. Ce café depuis qu’il a été ouvert n’a jamais voulu changer quoi que soit; que ce soit en terme de meubles, décorations, recettes et menu, ils ont gardé leur tradition. Désormais c’est le fils qui fait les fameux « buchteln » avec la recette de sa maman. Ce qui est beau avec ce café c’est que peu sont au courant de son histoire, et par conséquent, il n’est pas devenu une attraction touristique comme le café de Flore ou les deux magots, mais ce café malgré sa façade si peu extraordinaire demeure une véritable institution.