Un nom évocateur sur des carreaux de faïence derrière les piques de fer noir d’une grille d’angle protégeant l’entrée d’une voie très étroite entre deux immeubles – léger décrochage dans la rue, là où a été prise la photo placée devant le premier texte de l’atelier sur la ville il y a quatre ans – et des tiges indomptées qui s’élancent entre les barreaux près du portail bas qu’une femme aux longs cheveux blancs referme : Cité Florentine, Paris 19ème.
Paroi verte, métallique, d’une porte qui vibre sans cesse au pied de l’escalier de béton qu’on avait descendu pour lire les écriteaux orange fluorescent qui terminaient l’exposition Ventre de Raphaël Dallaporta, son travail sur les grottes, cavernes préhistoriques et carrières souterraines utilisées par les nazis pour tester le lancement de leur missile V2 : la porte coupe-feu de l’espace d’art contemporain de Nanterre s’ouvre sur l’autoroute A14.
Cavité dans la pierre sous le dallage du trottoir, un avaloir, devant lequel un disque, serti sur de vieux pavés, luit au soleil car même depuis la ville de France la plus éloignée de la mer, ce serait Dijon, un mégot jeté sur la chaussée pourrait atteindre la Méditerranée – on est sous la ligne de partage des eaux – la rejoindre par le ruissellement des rigoles, des canaux, des rivières – ça donnerait presque envie de glisser un message dans une petite bouteille qui roulerait dans l’avaloir d’égout de la Place de la Libération espérant qu’un jour sur une plage du Sud quelqu’un le déchiffrerait, pourtant on s’arrêtera là : devant la plaque de métal ronde qui annonce Ici commence la mer.
Angle de rue derrière le front de mer, derrière la Promenade, des façades aux pierres larges vers où se faufiler pour un peu d’ombre, quand tu n’avais plus envie d’aimer le ciel alcyonien de Nice ni l’éblouissement des vagues secouant les galets ou parce qu’il te fallait un moment de répit et qu’il y avait là comme un clin d’œil de la ville, des mots gravés qui faisaient sourire : sur une plaque de marbre (aujourd’hui retirée) clouée sur un immeuble de la rue Saint François de Paule, on lisait l’inscription
Ici vécurent Nietzsche et son génie tourmenté.
Blanches aux toits pointus surmontés de croix de pierre, bordées de lauriers et de buissons touffus, serrées les unes contre les autres face à l’immensité du ciel, alignées en allées droites ou incurvées, formant village au bout de la ville, dressées sur la falaise, les dernières demeures et les chapelles à coupoles parmi lesquelles chercher un nom, il a fallu sillonner toutes les travées, monter et descendre combien de marches, frôler une Mort drapée sous les plis de sa cape avant de trouver le patronyme des aïeuls gravé dans une alcôve : cimetière marin, Bonifacio.
Triangulaires, hexagonaux, en trapèze ou rectangulaires, soulevés, déchaussés, certains comme effrités, les pavés gris clair sans leur joint de béton laissent bailler du noir, du souterrain, sur l’étroite chaussée entre deux murs jaune mat, est-ce le sombre sous-bassement sur lequel ils reposent qu’on commence à entrevoir à moins qu’on ne soit déjà en train de marcher au bord d’un gouffre au-dessus d’un Enfer : rue d’Ardiglione, Florence.