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… un bout de rue qui monte raide, à l’étroit entre deux immeubles haussmanniens et des voitures – à gauche s’arrête une porte de parking, d’un beige saumon et devant laquelle gît sur le sol une plaque de fer derrière des barrières de travaux :… le 31 octobre 1909, à sept heures du soir, en cette rue, le sol s’est affaissé et il a englouti un couple au centre de Paris, on ne les a plus jamais revu – depuis le bitume de cette rue est craint, son sous-sol maudit comme une porte de l’enfer – les parents du quartier préviennent leurs enfants, les autorités régulièrement réparent, regonflent, maçonnent ce petit pan de rue
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… trois affiches sur le mur d’un magasin à l’abandon: à gauche, le portrait d’Emmanuel Macron est dessiné, avec un gilet jaune avec l’œil éclaté; Marine Le Pen en robe de mariée à bretelles légères, au cou un collier aux couleurs de l’arc-en-ciel gay, enlacée par une autre femme en mariée elle aussi, dont on ne voit pas le visage; un Zemmour avec une petite barde d’imam, une chéchia et une djellaba; tous les trois sont dessinés, sans chercher à caricaturer leurs visages, seulement leurs destins, ils sont montrés tels qu’en eux mêmes, mais déplacés : … juste à côté de ce mur, au rez-de-chaussée, une vieille dame se penche à la fenêtre d’un hôtel, elle regarde la manifestation de Mélenchon passer, les bras croisés sur la ferronnerie de sa fenêtre, elle porte le sourire large et hilare, on se prend à discuter, elle raconte qu’elle est la propriétaire de l’hôtel, même si elle va enfin se mettre à la retraite à 80 ans, se demande avec fierté qui va «passer la serpillière tous les jours», elle veut voter Zemmour, elle a acheté son livre mais malheureusement elle n’a pas réussi à le lire, trop compliqué, rien compris – dit-elle; elle s’absente un instant et ressort par la porte de l’hôtel, habillée d’un court anorak fluo vert d’eau, elle est accompagnée de son teckel nain et s’approche admirer de plus près les œuvres collées sur le mur voisin; elle en profite pour sympathiser avec les manifestants
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… rien ne ressemble plus à un lycée parisien qu’un autre lycée parisien, sa construction est massive, ses pierres alignées sans contour, ses murs larges accueillants et stricts, sa porte de bois est haute et le plus souvent fermée… de l’autre côté du mur, des adolescents jouent au football avec une balle de tennis sur un des terrains de basket… cela fait une heure qu’ils courent et se dépensent sans être interrompu, ce qui est rare… mais comme cela se termine assez souvent, la balle se retrouve perchée sur le toît, inaccessible:… la proviseure est passée, elle dit aux adolescents de sortir du lycée, d’un ton préoccupé et surpris de les voir ici; les ados franchissent alors la porte du lycée et se retrouvent tous les 6 ou 7 dans une zone vide, délimitée par des rubans de signalisation de la police : … dans l’après-midi, sur le trottoir d’en face, un policier a tenté de contrôler un groupe de jeunes gens qui transportaient des sacs, ces jeunes gens étaient des membres de l’Armée rouge qui transportaient des armes d’une planque à une autre, ils ont tiré sur le policier qui est mort sur le coup et ont pris la fuite en tirant en l’air
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… coin de rue, point de rencontre, parfaite perpendiculaire entre le flot des voitures lancées à vive allure à sens unique depuis le boulevard du Maréchal Ney – et les flux sans fin de piétons qui traversent un bout de bitume, le périphérique pour rejoindre les Puces – surface plane, presque sans verticale à la fin de la ville, seuls quelques murets subsistent – debout les humains et les machines passent et survivent… Quelques poteaux projettent de la lumière colorée, à quelques mètres, rouge, verte, car dérisoire est la recherche de sens – ici tout transite, l’Afrique, Paris, la banlieue –… qu’est-ce qui prolonge cet angle? Qu’est ce qui tient ce triangle? Du côté des voitures, une pharmacie anonyme et prospère puis un bar tout en longueur à la peinture qui s’écaille où des hommes baraqués et à la barbe drue toute la journée restent et discutent, ils sont debout, ils sont assis, passant, toujours revenant ici même après des années, dans ce bouge caché du coin de la rue… De l’autre côté, du côté des gens, peu importe, une déchetterie, un marchand de sacs ou de chaussures, n’importe quel contenant, rare composant mouvant dans cet étiage essentiel qu’est ce carrefour de Paris : … ici le samedi 2 novembre 1979, la police a tiré 21 balles sur une voiture, 18 ont atteint Jacques Mesrine, sa compagne dans la fusillade a perdu un œil
Cette disparition soudaine au milieu du bitume : tout un univers fantastique en un paragraphe.