#40jours #double | l’autre chemin

La forêt n’est pas si loin de la ville natale. Nous avons marché sur un chemin entre deux champs, en direction de la forêt. Les longues promenades en famille étaient rares mais mon grand-père maternel aimait les champignons et avait assez d’allant pour entraîner tout le monde. À l’orée de la forêt, deux chemins s’offraient à nous pour y pénétrer. Nous nous sommes arrêtés deux minutes pour en parler et choisir celui que nous emprunterions. J’ai regardé fixement les deux chemins sans arriver à savoir celui que je préférais. Les deux m’attiraient. Profondément. Au moment où nous nous sommes engagés sur le chemin de droite, j’ai éprouvé comme une déchirure. Je n’ai rien dit aux adultes que je suivais. Une partie de moi, l’invisible, avait pris le chemin de gauche. J’imaginais, je sentais les tiges qui l’effleuraient, les obscurités qu’elle traversait. J’ai grandi. J’ai souvent repensé à l’autre chemin, à celle qui l’avait suivi. Puis j’y ai moins pensé. J’ai habité d’autres villes, marché dans d’autres forêts. Je suis venue vivre dans la capitale. J’ai passé beaucoup de temps à arpenter la ville du Nord au Sud, à marcher dans les rues que je ne connaissais pas. Et un dimanche je l’ai croisée. Elle sortait d’un square. Nous nous sommes immédiatement reconnues. Un sourire étonné, à la fois timide et sûr, un Bonjour, affirmé. Nous savions ce qu’il en était, elle et moi. Nul besoin de mot supplémentaire. Chacune a poursuivi son chemin.

A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

4 commentaires à propos de “#40jours #double | l’autre chemin”

  1. Quelle belle histoire ! Beaucoup aimé la fin : ces deux chemins qui se séparent à nouveau, comme un cycle qui se referme, une parenthèse hors temps. Merci, Muriel !