Au supermarché : une femme derrière un caddy un bracelet à son poignet gauche détonne le charriot est plein elle fait la queue sa tenue est une composition disparate qui répond à l’entassement confus de ses achats et elle fait tourner le bracelet délicatement sans y penser un portail vers elle qu’on ne voit pas. Un homme tient une femme par la main son ventre à lui le précède elle sa poitrine compressée de noir son regard à lui ne cesse de naviguer ce doit être épuisant entre elle et le monde autour son regard à elle est celui d’une femme qui passe en revue sa liste de course. Au tabac : plus personne n’achète de timbre ou presque lui a la main qui tremble un peu elle est ridée une moustache couleur 50 années de nicotine habits fraichement repassés la chemise petit bûcheron pantalon velours côtelés tend l’enveloppe et quelques pièces sans un mot en face sans plus de mot la buraliste colle un timbre leurs regards se croisent, entendus. Elle a la peau noire du plus profond et plus beau noir qui soit reflets de soie douceur d’un velours précieux les amandes de ses yeux dégagent le parfum envoutant d’un fruit à cueillir elle va n’hésite pas au rayon magazine sa main immense cinq doigts réunis personne ne le savait peuvent faire œuvre saisit une revue d’Histoire sa présence occupe tout l’espace il déborde les autres humains sont minuscules pâles insignifiances. Sur la dalle : gestes hauts, ton qui dans le même instant semble tenir ensemble sourire et violence il ne doit pas avoir plus de 30 ans menton haut et la démarche qui va avec parle dans le vide une casquette noire où s’entrecroisent un N un Y un C et à l’oreille comme un ornement blanc. Une enfant aux ballerines blanches grisâtres crie maman attends personne ne se retourne et la corde à sauter produit un vortex autour d’elle un champ magnétique tourne tourne son visage est concentré son corps une mécanique bien huilée on dirait qu’elle n’a pas de parentés pas de lignées pas de passé ni futur elle génère le présent rien qu’avec sa corde à sauter personne ne pouvait se retourner.
Une galerie de personnages et plein d’histoires qui frétillent. J’aime ce vivier de six qui en évoquent beaucoup d’autres.