J’ai goûté ma ville. Dans le bac à sable j’ai goûté le sable. Au pied de l’arbre j’ai goûté la terre. Sur le chemin de l’école, j’ai goûté l’herbe humide. Sur la dalle j’ai posé ma langue. Seuls les enfants connaissent aussi bien leur ville. A peine à marcher qu’ils veulent savoir ce qu’est vraiment ce qui les tient debout. J’ai mangé ma ville mais j’ai oublié les goûts. Depuis je l’écoute.
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Sol de chez toi le matin comme note continue du pied qui traîne dans un glissement qui se voudrait vespéral. Mais non. La partition s’écrit chaque jour sur ce son-là, depuis cette note-là, la note du sol de l’intérieur ton foyer celui qui te sait vraiment qui devine au premier contact l’humeur. Le lino est ta basse continue. Sol derrière la porte résonne échos des escaliers descendus deux à deux ou même lentement le sol fait rebondir les pas, les amplifie ils grandissent deviennent géants à ce moment-là occupent tout l’espace les marches sont les touches d’un clavier qui s’enroule sur lui-même. Le carrelage est ton chœur. Sol de la rue pas presque aspirés mais subsiste une rythmique écoute la rythmique de tes pas des temps forts des syncopes quand s’y mêlent ceux des passants le sol veut danser tu devrais danser avec lui aujourd’hui. Danse. L’asphalte est ta percussion. Tu es un peu en retard tu bifurques sur la gauche. Hier il a plu quelques mètres une traversée toute entière pourtant. Marron le sol spongieux qui respire un souffle s’échappe à chacun de tes pas. La terre est ton cor. Plus loin crépitements incessants parfois tu t’amuses à imprimer une légère rotation à ton pied sur ce sol pour qu’il chante un peu plus. Le chemin est rectiligne sa couleur dépend de la lumière tu n’as jamais su dire deux fois la même couleur. Là tu penses bisque et te demandes si tu posais la langue dessus homard ou crevette rose. Demain abricot peut-être c’est plus facile. Tu as passé l’âge. La ville tu ne mangeras. Les gravillons sont ta mélodie. Sol des pas perdus sérieux du lieu du travail qui mime l’occupation répétition de trajets désormais impensés trajectoires parfois désynchronisées mais toujours les mêmes du bureau au couloir de la salle jusqu’au hall. Tes pas tu ne les entends presque plus le sol a décidé de jouer avec une paire de talons sur ta droite. Le parquet est ta fugue.
Préférer le parquet au béton, la musique vocale au tintamarre de la vie, ne plus goûter le sol de peur de s’empoisonner, ne pas compter ses pas de peur de s’emprisonner, Moi il m’arrive d’avoir envie de lécher les couleurs sur les murs des musées comme s’ils avaient un goût oublié de berlingot. A défaut, j’arrose mes aromates sur mon balcon : deux plants de tomate ananas, un basilic, une tige de menthe, une touffe de ciboulette anorexique, et une broussaille de thym. Ce n’est pas directement au sol, qui doit être propre, si j’ai bien lu le copain ponçeur de François.
J’adore l’idée de lécher les couleurs dans les salles des musées!!
toujours aussi surprise et émerveillée de lire cette belle collection de mots
Merci Danielle 😍
Complètement d’accord avec Danielle. J’aime beaucoup. Quelle poésie. Merci
Merciii beaucoup Véronique!!