Le parking derrière la fac de science était un grand parking en béton gris. On y allait pour faire du vélo. Un jour mon pied s’est coincé dans les rayons de la roue arrière. Je ne sais plus qui conduisait. C’est dans ce même parking que j’ai joué avec l’enfant perdu, celui que la mère avait ramassé comme ça, et qu’on avait ramené avec nous, sans poser plus de question. Il avait mangé et il était parti, à tout jamais. Plus tard, j’ai remonté plus haut que le parking, le long des terrains de tennis, en essayant de deviner à travers l’épaisse haie verte, les jambes poilues des garçons trop vieux pour moi. Plus tard, plus haut encore, je remonterais l’allée vide l’air concentrée, le long des petits bâtiments colorés, un peu apeurée sans le montrer alors qu’Emma, elle, ne dit rien de la voiture qui nous suit de loin. Plus haut encore, sur la gauche, la petite impasse où on habitait, la petite rue des fêtes de quartier, avec ses tables pliantes et cette musique tout au fond. Dans le cercle que délimitent les petits portails de bois, je joue avec tes enfants, la fille est blonde et je ne me souviens plus du garçon. Plus tard, bien plus tard, dans une ville très loin d’ici, sur le béton gris de la terrasse d’un bungalow approximatif, c’est avec toi que je joue, méchamment. Cette fois-là, tu gagnes certainement, et j’ai bien trop bu de toute façon.