#40jours #37 | le pèlerinage du lieu

Bacchus Caravage période claire, vers 1590-1597. tableau retrouvé en piteux état au fond des reserves du Musée des offices de Florence au siècle dernier.


Impression, passage, confusion, rues, avenues, quartiers, villes plurielles . Rapidité des boucles. Vitesse des accumulations. Impasses nombreuses. Ouvertures inespérées. Mais au centre du maelström un point fixe, silence. Le lieu de tous les pèlerinages. Le lieu du pèlerinage lui-même. Incarnation du mot en lieu. Un nid. Brindilles boue et paille. Presque rien. Rien de majestueux, que de l’extra simple, facile à déterrer. Une racine, tubercule, fruit-légume reconstituant le temps qu’on s’y arrête le besoin et la satisfaction, la nécessité vitale du pèlerinage. Déracinés de longue date, atomes des êtres disparus, cherchent ce lieu et il me revient de le trouver le recréer, non pas dans un ailleurs vers lequel on cheminerait, à l’aide d’une carte, d’un gps. Non, ce lieu n’est pas à un endroit un lieu précis. Pour le reconstruire à la façon des nomades il suffit de prendre connaissance, par l’attention aux choses de leur originelle singularité. S’extraire des habitudes et des points de vue, de repousser le familier ou d’en être repoussé. Le pèlerinage tient à très peu de choses, êtres , lieux. Il est le présent dévêtu de tous ses oripeaux. Et il est à la fois si intime et si vaste qu’à chaque fois qu’on y revient on se sent à la fois un étranger sur sa terre natale. Il y a toujours ce petit ébranlement, gardien du lieu. Puis on allume une cigarette et on peut retrouver les morts, échanger avec eux, le plus souvent paisiblement désormais

illustration mise en avant Le jeune Bacchus malade, oeuvre antérieure de Caravage .


Reprise Exercice du jour associé au thème de la ville toujours, le mot pèlerinage.

La ville est loin, depuis que nous nous sommes installés ici, entre Lyon et Valence, elle est devenue abstraite. Aller chercher dans le souvenir, encore, un lieu dans la ville, dans une ville, un lieu, rebutant en premier lieu. Plus de pèlerinage depuis longtemps.Et s’il faut remonter dans le temps c’est aller dans la mort chercher les morts. Ou du moins un support. En ai je besoin? Pas vraiment puisque le dialogue est ininterrompu. Il suffit simplement de penser à un prénom, proche ou lointain pour qu’aussitôt le décor se crée. Plus nécessaire non plus les hypothétiques préparatifs nécessaires à effectuer le voyage, le fameux pèlerinage puisque la teleportation existe.

Oui mais c’est un exercice. Tu peux faire un effort. Ne pas te sentir obligé de toujours dire la vérité, au moins cette fois. 

Ce n’est pas revenir sur les lieux pour les lieux eux-mêmes. c’est revenir à une matrice qui à date ou période fixe, récurrente si possible, régulière éventuellement, rejoue un scénario.Presque toujours le même. Comment est-ce possible que ce soit le même si on ne fait pas intervenir en tâche de fond un rituel.

S’approcher du lieu fait déjà partie de ce rituel. Et il ne sera pas nécessaire qu’il soit humain, social, anthropomorphe. Il peut être un lieu anonyme pour le reste de l’humanité entière. Avec ça j’ai quelques pistes. Surtout dans le corps quand celui-ci se met en marche pour rejoindre un tel lieu. Ainsi une liste serait bienvenue. Comment l’ordonner, chronologiquement ou par intensité de la sensation. 

Comme ça vient et ensuite trier dans tel ou tel ordre, si toutefois l’ordre est nécessaire.

Pourquoi le mot pèlerinage surgirait ainsi au 37 ème jour de cet atelier d’écriture. Traverser les apparences encore une fois. Il s’agit de toute évidence de relecture, tout ce que je déteste. C’est d’ailleurs sur ce point qu’il conviendrait de s’exprimer. Tu ressasses mais relis-tu vraiment, jamais. Une fois le texte clôt, tu relis pour essayer de corriger les fautes les coquilles parfois une lourdeur, mais c’est rare. La lourdeur est en lien avec celle du corps elle sert de point d’ancrage, de résistance. Lister toutes les raisons que tu inventes, les prétextes, les atermoiements, pour ne pas relire, bon exercice aussi. Sans doute un point d’orgue dans cette conception d’écrire reliée à ta vision personnelle de l’écriture. Les mots doivent venir comme ils le désire tu n’as pas intervenir, tu n’en es que le scribe. Et chaque phrase s’ajoutant à une autre te procure l’impression physique de perte de poids, que tout le poids s’en va sur le blanc support où il devient graisse de caractère. Une fois toute cette graisse posée, déposée noire sur blanc éprouve- tu une sensation de légèreté, Est-ce suffisant d’agir de la sorte, écrire pour retrouver la souplesse d’un corps, écrire pour s’accrocher à une croyance, fontaine de jouvence, éternelle jeunesse…Est-ce si visible comme un nez au milieu de la figure que tu n’écris que pour repousser l’âge la vieillesse, et bien sûr la mort. 

Sauf que cette régularité que tu t’imposes chaque jour, tu devrais aussi l’interroger. N’est-ce pas cela ce fameux pèlerinage, s’installer chaque matin pour écrire ce qui vient ce qui surgit ou ressurgit de Lille et une façons à la fois semblables et variées…

Et soudain tu découvres cette petite stèle sur Wikipedia, découverte sous le rocher des Doms en Avignon en 1960. Elle date du Chalcolithique, c’est à dire avant l’âge de bronze.20 cm de hauteur un soleil à la place de la bouche décalée de l’axe central qui lui confère une mimique familière. Ce petit sourire en coin.

Le premier avignonnais.


A propos de Patrick B.

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