© L. Humbel, Marseille, 2021
On dirait qu’on reviendrait. Qu’on aborderait la ville par l’eau. Que le bateau s’appellerait le Pharaon et qu’on débarquerait à la consigne sanitaire. On dirait qu’on n’aurait pas beaucoup de temps parce que le bateau bientôt repartirait – ou le train, qui sait. Le bateau serait à voiles, parce qu’autrefois (c’est-à-dire de nos jours) le transport maritime devenu trop polluant finirait par s’interdire lui-même. Le train serait électrique, bas carbone et hauts métaux, uranium non radioactif.
On dirait qu’on serait de passage et qu’importe le moyen, on arriverait et on aurait très peu de temps pour retrouver un petit peu du temps perdu, du temps ancien on dirait.
On dirait qu’on n’aurait qu’un seul endroit à visiter. On pourrait dire aussi qu’on ne serait venu que pour ce seul endroit, cette seule visite, quel que soit le temps qu’on aurait. On dirait.
Il faut choisir. Pour le Château d’If vraiment pas le temps, trop loin aussi le cap Croisette (dit Croisille dans le roman, pour revoir Tiboulen, rocher où s’accroche l’évadé). Les allées de Meilhan oui on aurait le temps, la rue Montgrand aussi et même les Catalans. On aurait plus chaud encore que dans le temps et les gens s’éventeraient parce que la clim ce serait du passé.
Les allées de Meilhan – mais sans les Réformés. La rue Montgrand – mais sans la Préfecture. Les Catalans – mais sans la plage. Et puis avec. Il est vain de vouloir faire abstraction de ce qui s’est bâti depuis deux cents ans : l’église des Réformés comme l’artplexe climatisé avec escalators et distributeurs de popcorn d’où les amateurs de films d’aventure sortent sans penser qu’Edmond et Mercédès ont habité tout près, mais pas ensemble, l’un au début, l’autre à la fin, d’ailleurs les allées de Meilhan ne s’appelleraient même plus Gambetta, mais d’un autre héros, et puis on gravirait l’ancien chemin de la Madeleine pour reprendre son souffle en longeant la rue Monté-Cristo, avec l’accent, la rue Abbé Faria. On n’aurait pas vu de mercédès rue Edmond Dantès mais un immeuble « L’Alexandrin » et une « Résidence des Ifs ». On reprendrait le 52 à Monté-Cristo/Faria. Ce ne serait pas un engin ni à essence ni à lithium, mais un fiacre omnibus qui nous ramènerait au point de départ. On y feuilletterait de mémoire les meilleurs passages.
Très belle revisite pèlerine ! Roman, réel d’époque et temps actuels pour nous emporter dans les 3 plans, bien vu !
Beau pèlerinage décarbonné, dans un Marseille de rêve !
Merci Laure !
Quel beau voyage à travers les lieux et à travers le temps !
retenir rien que ce magnifique début
« On dirait qu’on reviendrait. Qu’on aborderait la ville par l’eau. »
ça m’a complètement accrochée… ce pèlerinage du futur que nous ne ferons sans doute jamais…
merci Laure