Estelle R.
1978-2016
Je me suis jetée dans la Loire, un jour de décembre gris. L’eau noire m’a avalée. J’ai noyé ma douleur. La tête en étau. La peau grise. Plombée de chagrin j’ai sombré dans la vase le limon les algues dérivé délivrée légère enfin dans le courant dissout le corps et l’âme dans les méandres du fleuve. J’ai noyé ma douleur. Obsédante. Lancinante. Angoissante. Oppressante. Je l’ai fait taire. Il fallait que ça cesse avant que mon vide ne happe ceux que j’aime. A leur tour.
Marguerite P.
1919-2003
Empoisonnée que j’suis morte. Voulaient m’empoisonner. Faut boire Mme P. qu’il disait. Faut boire. Par cette chaleur. Vous tiendrez pas Mme P. Si votre fille savait et vos fils. Tu parles s’en contrecarrent mes enfants. M’ont tous abandonnée. Surtout le dernier qu’est parti je ne sais où. Chercher du travail tu parles. Me rappelle même plus le nom. De la ville. Où qu’il est parti travailler. Le verrai pas avant l’hiver. Elle est venue me verser de l’eau. La carafe est pleine. Me fait croire que l’eau vient de la fontaine. Tu parles. J’sais bien moi qu’elle verse l’eau des bouteilles en plastique. Périmée qu’elle est l’eau. Veulent m’empoisonner. Une de moins. Ca les arrange. Ca fait une place. Tiens ! Parle plus que de ça à la météo. La carte est rouge. Rouge comme les tomates du jardin de Louis. Chaque soir. Y parait que les petits vieux tombent comme des mouches. Moi les mouches je les aplatis à la raquette. Suis morte empoisonnée. Voilà la vérité.
Paul Métayer
1940-2022
Alors en fait c’est ça ? Tout bonnement ça ? Tout ça pour ça. Ah ben si j’avais su. Et puis tout ce babil autour. Et ces précautions de langage. Et ces grandes cérémonies. Quel cinéma ! On vit et puis ça s’arrête. Un point c’est tout.
Bravo Émilie pour ces paroles de morts pas dupes de leur sort !
Merci !
Ces portraits de vie en creux. Très intéressant! Merci
Très vivants ces morts. Merci