Basile, son enfance lui a été volée tout comme ses souvenirs le jour où la maison a été rasée.
On ne lui a rien dit avant. On lui a dit après quand il était trop tard. Beaucoup plus tard, au détour d’une conversation. Il croit se souvenir qu’on lui a dit, « on a profité de l’occasion, de la proposition ». Si cela a mis du beurre dans leurs épinards du dimanche. Mais les mangeaient-ils encore tous les dimanches avec le rôti de bœuf comme au temps de son enfance, de son adolescence ? Basile ne peut plus les voir, les épinards, même en peinture.
Basile n’est jamais retourné au 276 de l’avenue Félix Géneslay.
Il n’a vu que par Google Earth interposé ce que la maison de son enfance était devenue. On lui a parlé d’une maison, d’un immeuble dans le grand jardin. Le cerisier n’est plus. Il a toujours dans la bouche le goût des cerises, des bigarreaux. Non, il se souvient qu’on parlait de cerise anglaise. À moins que lui aussi ait oublié ou inventé ou magnifié.
Cela doit faire trente ans maintenant. Il ne sait même plus. Il ne leur demandera même pas quand cela était. S’en souviennent-ils ? D’ailleurs une seule survivante dont la mémoire flanche un peu.
Basile n’a pas pu. Il sait que son corps ne l’aurait pas supporté.
Pourquoi ont-ils accepté que la maison soit détruite ? Un promoteur a su trouver les arguments, mais Basile, on ne lui a demandé son avis. Son avis n’a jamais eu d’importance. Puis, pour eux, il n’avait pas assez d’argent pour acheter la maison, la garder. Ils avaient certainement préparé toute une liste d’arguments au cas où. Mais la liste, ils l’ont gardée bien au chaud. Basile n’a pas posé de questions. Maintenant, il s’en veut.
Jusqu’à ce jour, Basile n’avait regardé que la vue de l’avenue. Il n’avait pas regardé d’en haut pour savoir ce qu’il y avait derrière la façade. Aujourd’hui, il a vu et a pleuré. Il n’a même pas pu noyer son chagrin dans la piscine ronde sans eau qu’ils ont installée derrière cette façade qu’ils croient superbe.
On a volé les souvenirs de Basile.
Première phrase choc et la beauté de sa forme passive » son enfance lui a été volée »… Le reste à l’avenant. Merci, Danielle.
Retrouver par les mots ce qui a été détruit. Merci pour ce texte.