Il n’y a pas de plan : une énergie sourde qui pousse, venant tantôt de l’air lourd même au soir, tantôt du très profond, d’un jadis asphyxiant. Il faut recouvrir les collines, qu’elles soient enveloppées de bétons, de murs, de routes, qu’il y ait de l’herbe rase, des arbres chétifs comme bêtes en captivité. Il faut que les vallées soient asséchées, qu’il n’y ait plus de rivières dans leur fond. Les vieilles maisons sont abandonnées, il est bien qu’elles soient laissées, elles sont trop étroites, insalubres, leurs petites fenêtres, les murs trop massifs, on ne peut pas passer qu’à pied dans les ruelles. On les laisse aux pauvres sans pays. On a construit des petits immeubles. On a construit des maisons entourées d’un faux petit jardin. On continue. Le béton s’use, se fissure. On délaisse, on ira plus loin, abandonnant. On s’étend de part et d’autre de la route, jusqu’au prochain village, tirer câbles et canalisations mais en grattant à peine la terre. Il ne faut pas creuser, plus de caves, plus de tunnels, de souterrains, il faut produire une croûte qui recouvre, enserre, pour que les collines ne puissent se soulever, que l’on ne puisse plus entrer dans la terre, pour que les sangliers ne reviennent plus.
« Il faut », cette injonction venue d’on ne sait où, puisqu’il n’y a pas de plan, mais que l’on sent puissante et collective et destructrice. Ce texte est comme une parabole de notre usage du monde.
Merci!