Depuis que je suis arrivée à Boulogne-Billancourt. (cela fait maintenant six mois), la disparition soudaine et entière de pâtés de maison me surprend. Le vide grignote mon quartier. Toutes les semaines s’ouvrent de nouveaux chantiers de construction. Quand j’habitais à N. les choses ne changeaient jamais. Parfois, on refaisait un trottoir, on réparait une canalisation, on installait la fibre mais les travaux concernaient surtout le sous-sol. En surface, tout était immuable. Le paysage urbain avait la fixité apparente des montagnes. Ma rue n’avait pas probablement pas beaucoup changé depuis le 19 -ème siècle ; des villas aux fleurons art déco, des immeubles collectifs, une école primaire et un garage. Ici à S. la terre est remuée sans cesse, brassée par d’énormes bulldozers, chargeuses, pelleteuses, dumpers, nacelles, grues, décapeuses et rouleaux compresseurs. Après la démolition, les édifices qui se trouvaient là la veille encore s’effacement de ma mémoire. J’ignore comment cette amnésie brutale est possible : ma surprise vient de là, moi qui aime tant me souvenir. Comme si mon esprit, faute de pouvoir réaliser sa perte, avait effacé toutes les images de ce qui fut les bâtiments 35 et 38 de la résidence des Liserons situé au 17 de rue du Dôme.
texte bref faisant vagabonder l’imagination. Merci