Basile se réveille au milieu de la nuit. Intrigué, il entend le bruit d’un volet claquer.
– Réfléchissons, se dit-il. Je viens d’entendre un volet claquer. Analysons l’évènement
calmement. Ne paniquons pas. Je ne suis pas dans une demeure hantée ou au milieu
d’un bois.
Le volet claque de nouveau.
Un volet claque alors que la fenêtre de son appartement — de son studio devrait-il dire — n’a pas de volet qui peut claquer, car il est roulant.
– Réfléchissons et surtout ne paniquons pas. Je suis au dernier étage d’un immeuble
n’en comptant que deux. Je n’ai vu aucun volet qui peut claquer sur la façade de mon
immeuble. Je viens d’arriver ici. Ma deuxième nuit dans le lieu. La première nuit, je me
suis effondré trop fatigué par le déménagement ou plutôt mon emménagement.
Un volet claque.
– Reprenons. À mon étage, trois fenêtres, trois volets roulants pour trois studios. Je suis
le premier occupant de cette nouvelle configuration. L’étage d’en dessous, un seul
appartement avec trois fenêtres donc trois volets roulants
Nouveau claquement de volet.
– Deviendrais-je fou ? Mon imagination me jouerait-elle des tours ? Au rez-de-chaussée,
la porte d’entrée pour l’appartement du premier et les trois studios et une vitrine de
magasin avec sa porte d’entrée personnelle. Une grille de protection.
Un volet claque.
Basile n’arrive pas à se rendormir. Où est ce volet qui claque ?
Badaboum !
Basile se réveille en sursaut. Deuxième fois dans la même nuit. Un volet qui claque l’a déjà réveillé plus tôt dans la nuit. Et maintenant un nouveau bruit l’a tiré de son sommeil.
Badaboum !
Basile frôle la crise de nerfs. Il regarde le réveil. Trois heures trois minutes. Un dimanche matin. Son premier dimanche matin dans cet immeuble
Il doit prendre son nouveau poste, plutôt son premier emploi chez maître Barles, notaire de son état dans l’immeuble d’à côté, le lendemain, un lundi.
Il avait eu une chance inouïe. Deux escaliers à descendre soit trente-deux marches, un bout de trottoir d’à peine cinquante mètres à arpenter et il serait chez maître Barles pour son premier poste de clerc en second dans une étude renommée de la ville.
Badaboum ! boum boum ! entend-il bien clairement.
– Qui se joue de mes nerfs ? Qui me gâche mon dimanche ? Qui s’en prend à mon sommeil ?
Ses idées s’embrouillent. Qui m’en veut à ce point ! a-t-il envie de hurler dans son studio du 2ème étage de l’immeuble d’à côté de l’étude de maître Barles.
Badaboum ! boum boum ! Badaboum ! boum boum
Non, impossible. Cela se passe de l’autre côté de la cloison de son logement.
Basile n’a pas pu se rendormir. Après la nuit noire qu’il venait de vivre, le jour ne pourrait se lever que joyeux. Il était comme cela Basile. Et depuis tout petit. Sa marque de fabrique, très certainement, le mélange des gènes de ses parents, un breton et une corse. Cela devait venir de même encore plus loin. De lointains ancêtres. Basile pouvait passer de l’optimisme le plus effréné à la noirceur du moral la plus sombre qu’il puisse y avoir.
Basile était tout et son contraire. Le haut et le bas, l’immobilité et le mouvement, le ciel et la terre, la clarté et l’obscurité. Il pouvait passer de l’un à l’autre en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire.
Basile, ce matin-là, veut en savoir plus.
Un volet qui claque, un badaboum boum boum entêtant.
Il aurait dû être joyeux touchant à son but, travailler dans une étude de notaire et pas n’importe lequel, tout aurait dû être clair. Mais non, à cause d’une nuit cauchemardesque, tout était sombre.
Boumbadaboum !
Soudain, un morceau de mur de son modeste studio s’effondre et il découvre une pièce attenante d’une clarté éblouissante.