Du balcon après les linges, après les jardins et les toits, au-delà des platanes où les cigales se sont tues, plus loin que les pylônes de la voie ferrée, que les pins du cimetière, que les cheminées du crématorium, au-delà des barres construites au moment des rapatriés, lingots d’or en fusion dans le couchant, après les taches vertes les taches brique les taches beiges sur le versant de la colline, au-dessus de la colline, les volutes grises de la fumée tourbillonnent, s’étendent, s’épandent, s’étalent, se répandent en brume, se massent, s’énorment, s’immensent et les oiseaux aussi ont fini de chanter, s’étonnent et l’odeur de bois brûlé sur la ville se répand. Un, deux, trois, quatre, cinq, six canadairs percent de rouge et de jaune le rideau épais de fumée et la ville s’enfle d’un souffle angoissé qui souffle de derrière la colline, et la mer ne dit plus rien non plus, un, deux, trois, quatre, cinq canadairs sont ressortis, le sixième a traîné et la terre terrifiée a retenu un cri, et ils ont effleuré la mer, et la cendre de bois brûlée s’amoncelle dans les rues, et le soleil s’est retiré, un, deux, trois, quatre, cinq, six, et dans la nuit épaisse une langue de feu dessine en rouge la crête et descend lentement, mouvante et dessinante. De ce côté-ci du versant, de la barre en fusion, du crématorium, des nids en haut des pins, de la voie verrée, des platanes et des toits, et aussi du balcon, se devine sur la colline en traits rouges de feu le dessin d’un visage, et sa gueule crie à la ville, elle crie…
Waouw, Laure, c’est magnifique ! Dévastation tellement bien décrite, hélas, si criante de vérité, mais tant de beauté dans cette vision ou présentation de la chose avec la caméra qui avance et recule pour clore le texte. Merci.
Merci Anne. Je n’avais pas pensé à une caméra, plutôt l’œil de quelqu’un sur ce balcon, mais cela m’intéresse que tu l’aies lu comme ça.
Le feu qui brûle,
dévaste le tout,
j’ai vu les flammes et la mer
la terreur et les cris.
Merci Laure.
Merci Clarence pour ton commentaire.