C’était pendant le cours de maths, quelques coups frappés à la porte, on a immédiatement reconnu la silhouette longiligne du principal, on s’est tous levés, il s’est retourné vers le couloir, il est revenu en poussant doucement dans la classe deux enfants blonds et frêles. Il a posé ses mains sur leurs épaules, je me suis demandée s’il les encourageait ou les empêchait de s’enfuir, dans leurs yeux bleu lagon on devinait l’effroi. On nous a expliqué que les enfants arrivaient de Pologne, frère et sœur, faux jumeaux, que malgré les apparences ils avaient notre âge, qu’il fallait les aider à trouver leur place. Ils venaient rejoindre leur mère arrivée à Marseille quelques années plus tôt, le temps de se faire une situation. Dans les couloirs, dans la cour, on les voyait se déplacer toujours ensemble, leur silhouettes d’enfants aimantées par leur gémellité, la difficulté à s’exprimer dans notre langue, l’inconnu. En classe les professeurs les invitaient à se mettre toujours au premier rang, je pouvais observer le duvet presque blanc de leurs nuques, leurs épaules légèrement courbées vers l’avant qui disaient oubliez nous, mon cœur déjà s’emballait. Pendant le cours de français, le prof leur a demandé de lire un passage du poème à l’étude, pour la première fois j’ai entendu la voix du garçon, douce, un peu nasillarde, Abel était l’aîné, j’étais le plus petit, les voyelles s’ouvraient, les consonnes s’amollissaient de trac, je n’oubliai jamais la première strophe du poème d’Hugo. À la sortie du collège je décidai de les suivre, ils s’engagèrent traverse Paul, rejoignirent la rue Marie-Louise, ils habitaient un immeuble perpendiculaire au mien, j’étais stupéfaite et joyeuse. Les jours suivants nous échangions nos premiers mots, j’appris à dire je t’aime en polonais, aussi quelques insultes. J’appris aussi qu’ils avaient été élevés par leur grand-mère depuis le départ de leur mère, on ne parlait jamais du père. Nos mères se rencontrèrent, elles partageaient une compassion réciproque, elles favorisèrent le rapprochement. On faisait désormais tous les trajets pour le collège ensemble, on mangeait des glaces, on traînait au parc, on s’attachait. C’était l’été, on m’autorisa à dîner et à dormir chez les jumeaux au prétexte d’une sortie en mer prévue le lendemain de très bonne heure. On me servait des plats étranges que je faisais semblant d’aimer, la nuit tombait, on promis de dormir. La lune était pleine, on laissa la fenêtre ouverte.
Cette promesse de dormir et cette fenêtre ouverte pour terminer le texte quelle merveille qui nous laisse imaginer cette nuit entre ces trois-là !
Oui cette fenêtre sous la lune. Qu’elle ouverte !
te raconterais la suite autour d’un café 😉
La lecture se déroule avec plaisir. Et on a envie de connaitre la suite. Enfin… j’ai envie de connaitre la suite ! Cette promesse qui ne sera pas tenue me semble-t-il…