Il n’y aurait que la distance, ce ne serait pas un problème. Chacun de vous aurait son ambiance favorite, les montagnes pour Jeanne, les longues balades dans la forêt, avec la fraîcheur en été, le noir et blanc en hiver et l’invitation dans l’intimité d’un autre monde en toute saison. Toi, tu aurais l’Écosse, et tous les contrastes que tu aimes tant, ses averses et ses éclaircies, ses mélanges de montagnes et de bords de mer, ses eaux aux couleurs tropicales avec des bonnets oubliés sur les plages et l’infinie palette de ses bruns entre fougères brûlées par le froid, eau brunie par la tourbe, le cuivre des alambics, le bois des tonneaux jusqu’à la couleur du whisky lui-même. Alors, allongé la main sous la tête sur la bruyère souple et élastique comme un tapis qu’on aurait posé sur des nuages, tu rêves de pouvoir modeler le temps selon tes envies, de pouvoir voyager longtemps pour savourer ou quasiment dans l’instant pour rejoindre Jeanne, là, maintenant. Le vent vient de tourner, il porte à tes narines l’odeur du thé que tu viens de te faire, la porcelaine de la théière te renvoie un rayon de soleil, tu souhaiterais inventer les 1001 façons de délier les longueurs qui ligotent la distance et le temps. Jouer avec le temps, avec le ici et avec le maintenant, ce serait ton sortilège à toi.