J’ai mis du temps à comprendre que ce qui me faisait peur, enfant j’ai toujours été très craintif, pas très courageux, je préférais me défiler face à l’adversité, fuir le conflit, me cacher pour éviter les embrouilles, ce n’était pas le danger, la violence des plus forts, des méchants, bien sûr devant eux j’étais impuissant, la violence me tétanisait, je restais interdit, sans rien dire, je perdais tous mes moyens, je ne savais que faire, ni comment réagir, encore une fois la fuite était l’unique issue, l’esquive incontournable, l’abandon, mais c’était ce qui était à l’origine de cette violence la raison de cette agressivité, de ce déchaînement de force et d’excès, et comme le temps a été long avant que je comprenne que cette violence, si elle est aveugle et touche systématiquement les plus faibles, les êtres fragiles et délicats, les personnes sensibles, démunis, c’est qu’ils sont l’opposé de ceux qui les agressent, et dans cette fragilité, cette vulnérabilité que le brutal, le coléreux perçoit en l’espace d’un instant, dans un mot à peine prononcé, le ton de la voix éveille le soupçon immédiatement, un geste suffit à le percevoir, à le percer à jour, l’esquisse d’une réaction, une attitude de retrait, de timidité, un sentiment de honte, un aveu de faiblesse ou de marginalité, c’est son propre visage qu’il voit défiguré par l’effroi, mis à nu, dévoilé devant tous, il prend les devants, avant que cela se remarque, qu’à son tour on puisse déceler en lui cette inquiétude qui couve, qui brûle et ravage tout à l’intérieur, cette faiblesse passagère, une simple hésitation, et dans cette indécision ce qu’il prend pour de la lâcheté et qu’il veut détruire à tous prix, pour ne plus la voir, l’éloigner de lui le plus loin possible, qu’on ne puisse pas un seul instant imaginer que cela lui ressemble, qu’il a ça en lui, il devient violent et même s’il a de très nombreuses raisons de l’être, au fond c’est toujours la peur qu’il entr’aperçoit chez l’autre qu’il redoute et qu’il veut effacer, en se battant, en humiliant son vis-à-vis qu’il ne peut envisager qu’en adversaire, comme l’homme à abattre, en lui.
Dans les années 80, lorsque j’étais adolescent, pour me démarquer des autres, affirmer mon identité et ma personnalité, j’avais choisi d’accrocher sur mes tee-shirts et mes vestes, une épingle à nourrice, après avoir lu un texte, Propos sur le bonheur d’Alain dont certains passages à l’époque m’avaient ouvert l’esprit.
Comment ne pas se reconnaître dans votre texte. Brillant. Merci
Merci beaucoup pour votre soutien Danielle.