Chaos des villes, insensé le feu, rouge, orange,vert, le carrefour giratoire, laisser la priorité à celle ou celui qui s’engage, sûrs de leurs bons droits, barbarie des villes,
On s’en fout du droit connard on prend le gauche. Bondir, tuer, ou tenir, patienter, se taire, laisser passer l’inquiétude, rester humain surtout et être con, quelle importance, cela devient la routine qui te permet de résister à l’effroi.
Metro Bastille, sauter le tourniquet, un jeu d’enfant de ne pas payer le ticket, le regard des passants, rien, ils ne regardent surtout pas, trop peur de s’en manger une, pour qui, pour quoi, pour rien, continuer coûte que coûte son chemin.
Observer la démarche, le dos qui se voute sous l’inquiétude, poisson proche de la mort qui se débat pour se décrocher du dégoût, puis uniformes au loin-ticket s’il vous plaît- la formule de politesse marche main dans la main avec l’horreur, l’effroi. Seule solution, courir plus vite.
Depuis le métro Barbes remonter le boulevard jusqu’à Pigalle, Blanche ,avec un peu de chance jusqu’à la place Clichy, sans trop d’encombres de nuit. Juste ça.Rien à voir à vingt ans, à quarante, à soixante. Disons soixante. Grève ou panne des métros, des bus, pas de taxis, trop cher en plus. Essayer le pas ferme, ne rien fixer, surtout pas les trottoirs, néons, enseignes,s’il pleut ou a plu, reflets des néons, des enseignes, silhouettes furtives, ombres projetées,les phares des véhicules illuminant soudain une pute, un travelo, un vendeur de clopes à la sauvette,détourner les yeux, ne rien fixer, avancer, tous les sens sont en éveil comme à 20 ans, mais aujourd’hui tu souris, la mort te fait moins peur, la vie te fait moins peur, tu domines mieux l’inquiétude et ne cède plus si facilement à l’effroi.
Se retourner en pleine rue et apercevoir un fantôme de dos, le mal est fait, te voici presque transformé en statue de sel. Puis tu souris, non, calme toi, tu n’as pas vu la grande prostituée de Mésopotamie subir le divin châtiment de Dieu, c’était juste un fantôme parmi tant d’autres, tu éprouves même un peu de fierté d’avoir dépassé ton inquiétude. Comme ce serait pire si tu avais continué ton chemin sans ce petit coup d’œil en arrière, rien que d’y songer… effroi.
Au moment de payer ton pain, plus de portefeuille. La boulangère t’assure qu’il n’y a pas de problème, tu paieras demain. Tu remercies en revenant dans la rue puis tu t’arrêtes net sur le trottoir. Plus de portefeuille, plus de papiers, plus de carte bancaire, tu n’es plus autant toi-même que quelques minutes auparavant. Ce n’est pas la première fois. Et tu observes tranquillement soudain ce mouvement de l’inquiétude qui te conduit irrémédiablement vers la panique et l’effroi. Tu allumes une cigarette, et tu rentres chez toi.
je me sens bien chez toi, je lis, je comprends
je me glisse sans mal et avec intérêt dans cette exploration du quotidien, dans ce chaos insensé des villes
je te laisse trace
(merci Patrick)
Cette appréhension qui ne cesse jamais de circuler. Qui diminue un peu, parfois, quand on prend de l’âge.
Merci Patrick pour ton beau texte fluide !